En pleine ébulition pour leur campagne de crowdfunding, Pierrick a bien voulu se laisser attraper un moment et nous expliquer ce qu’il mijotte. Avec Claire Faÿ, auteur et dessinatrice, créatrice des fameux Cahiers de gribouillages pour Adultes qui s’ennuient au bureau, Pierrick Chabi, ingenieur en logiciel de vision par ordinateur lancent le Cahier de Dessin Animé avec l’objectif de le glisser sous un maximum de sapins ce Noël :

1) Vu de mon ignorante perspective, ce cahier de coloriage capable se s’animer me parait complètement magique.  Ça fonctionne comment en fait ?

Je suis ravi que cela te semble « magique », car c’est selon moi ce à quoi doit ressembler la technologie, du point de vue des utilisateurs. Le Cahier de Dessin Animé, c’est avant tout un « vrai » livre en papier et qui sent l’encre : seize feuilles de papier sur lesquelles sont imprimés des dessins à colorier.

Par exemple, sur une des pages du cahier on invite l’enfant à tracer des rayures sur le pelage d’un zèbre. Une fois l’animal (1) colorié avec des crayons de couleurs, l’enfant (2) prend son oeuvre en photo avec l’application mobile spécialement conçue pour le Cahier de Dessin Animé. Instantanément, l’écran du smartphone ou de la tablette se met à jouer un film d’animation qui met en scène le zèbre colorié par l’enfant. Dans ce (3) dessin animé personnalisé, le zèbre de l’enfant se met à parler et lui apprend que, démonstration à l’appui, lorsqu’il court vite, ses rayures produisent un effet stroboscopique qui déstabilise ses prédateurs.

 Au fil des différents personnages, animaux et paysages qu’il colorie puis photographie, l’enfant produit de mini-épisodes à caractère pédagogique dont il est le directeur artistique.

2) Comment voyez-vous l’avenir des outils numériques appliqués à l’éducation et les enfants ? Ca change quoi pour un enfant de jouer entre le support très concret d’un cahier de coloriage et le support numérique ? Certains ont dit que votre projet permettait de « remettre le numérique à sa place » … 

Je crois que les outils numériques à l’école peuvent susciter le même engouement et la même énergie chez les enfants que celle qu’ils déploient à la maison. Mais adaptés à la pédagogie, ils peuvent en plus permettre que les enfants s’intéressent davantage aux contenus éducatifs et aussi faciliter l’assimilation de certaines notions ciblées. C’est pourquoi j’estime que les outils numériques vont progressivement se standardiser à l’école, sans remplacer les livres, le magnétophone, le tableau ou les excursions.

Les parents qui ont testé le Cahier de Dessin Animé rapportent que leurs enfants s’appliquent mieux à colorier les pages de ce cahier « magique » que celles d’un album de coloriage classique. Ils attribuent ce comportement à l’expectative du dessin animé « surprise » qui résultera de leur oeuvre.

Je pense que le fait que l’enfant soit, comme pour un exposé, l’artisan d’un contenu pédagogique peut lui permettre de mieux l’assimiler.

Dire que le Cahier de Dessin Animé permet de « remettre le numérique à sa place » est une phrase percutante qui peut sembler péjorative vis-à-vis du numérique, mais elle est tout à fait méliorative vis-à-vis du produit.

Ce qu’on doit comprendre à travers cette « sentence », c’est que, du point de vue de ceux qui appréhendent le numérique (cf. La peur du « tout numérique »), le Cahier de Dessin Animé rend en quelque sorte justice au papier, en lui octroyant une noble part. Ce sentiment a été décrit par Nietzsche : « Aussitôt qu’on nous montre quelque chose d’ancien dans une innovation, nous sommes apaisés. »

Enfin, cette qualification suggère surtout que notre dispositif introduit un changement certain dans la cohabitation entre le numérique et le papier, ce qui en fait littéralement une innovation. Je m’en réjouis, du reste.

3) Comment vivez-vous votre première campagne de crowdfunding et qu’est-ce qui vous a surpris ?

Pour financer une partie du développement du Cahier de Dessin Animé, mon associée et moi avons lancé une campagne de financement participatif sur KissKissBankBank. Le principe en est simple: nous promettons à chaque donateur de lui envoyer un Cahier de Dessin Animé en avant-première pour Noël, en contrepartie d’une participation de 25€. Mais la règle du crowdfunding est cruelle : si d’ici au 7 décembre nous ne collectons pas l’objectif de 25000€ que nous nous sommes fixé, chacun sera remboursé et il n’y aura hélas! pas de cahier sous le sapin.

C’est pourquoi, tandis que nous finalisons le produit, nous utilisons tous les moyens de communication qui sont à notre disposition (facebook, email, twitter, rencontres) pour susciter en permanence l’intérêt et la contribution des proches, de leurs proches, et d’inconnus.

Nous avions été prévenus, mais c’est une gageure, un marathon,  à la fois laborieux et très enrichissant, et donc un risque exquis!

Lorsque, par exemple, Anne Legall nous cite comme Innovation du Jour un matin sur l’antenne d’Europe 1, nous sommes non seulement flattés mais aussi euphoriques car cela dope notre campagne.

4) Est-ce que le fait d’appartenir à la communauté de Mutinerie a pu t’aider pour la campagne et de quelle manière ?

Un des éléments centraux d’une campagne de crowdfunding réside dans la qualité de la vidéo de présentation.

D’une part, je côtoie à Mutinerie une jeune et brillante cadreuse/monteuse, Masha Kosobokova. J’ai fait appel à elle pour réaliser notre vidéo. D’autre part, plusieurs spécialistes de la communication, également issus de cette fratrie, nous ont prodigué d’utiles conseils touchant l’élaboration du scénario de cette vidéo.

Les Mutins sont solidaires quand il s’agit de soutenir un projet porté par l’un d’entre eux. Ils ont massivement relayé le projet de Cahier de Dessin Animé auprès de leurs connaissances respectives et engendré ainsi de nombreuses pré-commandes.

Enfin, nous avons eu une tribune pour montrer notre première démo semi-publique à Mutinerie, devant un public nombreux et toujours aussi bienveillant. Un cadre idéal pour se roder à l’exercice et recueillir des remarques constructives, nourries par leurs expertises variées : un coach de startups, une traductrice de roman, une ingénieure pédagogique, une commissaire d’exposition, des entrepreneurs dans le web, etc.

Bref, j’appartiens à la communauté de Mutinerie depuis deux ans… et force est de constater que c’est un terreau favorable au démarrage d’un tel projet. Je suis plutôt gâté, et cela semble loin d’être terminé !

Pour voir le projet en vidéo c’est ici :