Mutinerie, libres ensemble - espace de coworking à Paris » ecosystème http://www.mutinerie.org Libres ensemble Wed, 22 Oct 2014 18:16:59 +0000 fr-FR hourly 1 Coworking et Permaculture http://www.mutinerie.org/coworking-et-permaculture/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=coworking-et-permaculture http://www.mutinerie.org/coworking-et-permaculture/#comments Tue, 21 Oct 2014 07:04:24 +0000 Eric http://www.mutinerie.org/?p=29070 En mettant les mains dans la terre, nous nous sommes rendus compte que les logiques de la permaculture ressemblait fortement à celles du coworking. Coïncidence ? Je ne crois pas...

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Vous le savez surement, mais Mutinerie a récemment lancé un espace de coworking / gite à la campagne: Mutinerie Village. Tant qu’à pouvoir travailler de n’importe où, pourquoi pas le faire entouré de verdure, forêts et rivières plutôt que de bétons, voitures et immeubles ? Ne faisant pas les choses à moitié, nous nous sommes mis en tête de mettre en place un potager en permaculture, l’idée étant, à terme, de viser une quasi-indépendance alimentaire puis énergétique au village. En nous penchant sur le sujet, nous avons été frappés des similitudes entre les logiques qui sous-tendent coworking et permaculture :

Potager de Mutinerie Village

La logique d’écosystème

A l’inverse de l’agriculture industrielle qui vise à augmenter la productivité par agriculteur via la mécanisation, la standardisation des semences et l’utilisation de produits chimiques et OGM, la permaculture raisonne en terme d’écosystèmes. Elle tente de recréer un « mini-monde » ou chaque plante ou insectes joue un rôle positif et est complémentaire avec les autres plantes.

Les pucerons peuvent par exemple être éliminés si vous parvenez à attirer dans votre potager des coccinelles qui en feront leurs repas. La permaculture refuse l’utilisation de semences « standards » qui placent les agriculteurs dans une dépendance face aux grands groupes et empêchent l’adaptation des plantes et espèces à leur environnement. Saviez-vous qu’il faut par exemple seulement deux générations aux graines pour adapter leur patrimoine génétique aux spécificités de leur sol ?

Au lieu de mettre en place d’énormes surfaces en monoculture, la permaculture va procéder par association judicieuses de plantes. Certaines enrichissant le sol en azote, seront placées à proximité de plantes qui en prélèvent en quantité. Certains types de plantes repoussant ou attirant certains types d’insectes seront stratégiquement réparties sur le potager, rendant inutile l’utilisation de quelconques produits chimiques.

Cette idée de complémentarité et de diversité est omniprésente dans les espaces de coworking. La pluridisciplinarité est par exemple un élément clé. Il ne s’agit pas ici de mettre les « experts » entre eux, mais plutôt de diversifier les compétences et personnalités.

Nous ne comptons aujourd’hui plus le nombre de collaborations entre coworkers. Allant du simple conseil à des contrats signés ensemble, elles sont quotidiennes. Cela ne veut pas dire qu’elles sont automatiques ! Elles ne sont pas un dû mais le résultat d’une certaine posture de la part des coworkers.

C’est l’un des paradoxes des espaces de coworking: la plus grande valeur qu’ils délivrent n’est pas « garantie ». Pourtant, statiquement, nous pouvons aujourd’hui affirmer que pour la grande majorité des coworkers, rejoindre Mutinerie fut un excellent investissement.

Le « design » de l’espace

Oui, la permaculture demande un vrai travail de design en amont ! L’idée est double: tirer au maximum parti des éléments constitutifs du terrain d’une part (topologie, composition du sol, exposition, présence d’eau…) afin de maximiser l’efficacité de la ferme, et minimiser le travail humain et les déplacements d’autre part. Les plantes demandant un entretien plus fréquent ou utilisées fréquemment dans la cuisine (plantes aromatiques par exemple) seront placées à proximité du lieu de vie.

Le créateur d’un espace de coworking de la même manière prend en compte ces contraintes lors du design de son espace.

D’abord il doit s’adapter à la « morphologie » de son espace. Il n’y a pas de recettes miracles pour designer un espace, d’autant que ceux-ci se localisent principalement dans des anciens lieux à réhabiliter (ancienne usine, commerces, fabriques…). Il faut donc composer avec ce que l’on a.

Le design prendra également en compte l’importance des différentes composantes de l’espace et tentera de maximiser les opportunités de rencontres et d’interactions tout en laissant la possibilité aux coworkers de s’isoler. A Mutinerie, la localisation de la zone café à l’entrée est par exemple primordiale. D’une part c’est un lieu souvent fréquenté, et d’autres part il créé une interaction entre les coworkers car avant de s’installer à leur poste, les coworkers doivent traverser cet espace vivant. Enfin le coworking sera conçu de façon à être efficace d’un point de vue purement opérationnel (rangements, stocks, événementiel etc…)

La pollinisation

Les paysans l’ont toujours su: la présence de pollinisateurs est essentielle ! Si l’on parle si souvent des abeilles, c’est que leur rôle est crucial dans la production agricole. L’exemple de Yann Moulier-Boutang dans son ouvrage « l’abeille et l’économiste » illustre bien le fonctionnement et l’importance de la pollinisation aussi bien dans l’agriculture que dans la société:

Le marché du miel dans le monde est un marché, d’environ 4 milliards d’euro, mais sans les abeilles, on estime que c’est 30% de la production agricole totale qui disparaitrait. Ce qui représenterait une perte de 1000 milliards d’Euro !

Que dirait-on d’une science économique qui, observant les abeilles ne voyait que le rendement en miel et oublierait presque totalement l’activité représentant l’essentiel de la valeur d’une ruche; la pollinisation ?

Cela ne vaudrait évidement pas grand chose. C’est pourtant comme cela qu’a été construite la science économique moderne et c’est cette mauvaise interprétation de la création de valeur qui amène a des situations écologiques aberrantes où des agriculteurs chinois doivent désormais polliniser leurs pommiers à la main…

La pollinisation est également cruciale dans les espaces de coworking et contribue largement à la valeur ajoutée de l’espace; échanges d’informations, de contacts, de compétences, créations de liens de confiance, entraide…

Chaque jour, les nombreuses interactions d’apparence aléatoires et chaotiques, contribuent à tisser un ensemble cohérent et utile à tous.

Copass, le réseau international d’espace de coworking permet de développer cette logique, cette fois pas seulement entre les coworkers mais entre les espaces de coworking et les communautés qui les peuplent afin de créer un sorte « d’écosystème entre écosystèmes »

La « durabilité »

Comme son nom l’indique, l’un des piliers de la permaculture et son aspect durable. Alors que l’agriculture industrielle et les engrais chimiques détruisent les sols en éradiquant les micro-organismes et autres vers de terre indispensables à la formation de l’humus, la permaculture enrichi en permanence la terre. Ainsi année après année, la terre devient de plus en plus riche et généreuse.

Le coworking applique ces mêmes logiques.

Plus une communauté existe depuis longtemps, plus elle a de valeur.

Au delà des coworkers, la communauté peut compter sur les « anciens », sur les connections faites lors des nombreux évènements qu’elle accueille, ainsi que sur des liens plus forts entre personnes car forgés sur le temps long. Ainsi l’espace deviendra de plus en plus efficace à mesure qu’il grandit.

Conclusion :

En somme, coworking et permaculture fonctionnent selon les même logiques. Ils s’adaptent à l’environnement plutôt que de tenter de le plier et de le standardiser. Ils valorisent la diversité et raisonnement en terme de complémentarité et d’écosystème plutôt que de fragmenter les tâches et professions. Ils maximisent l’occurrence des rencontres et des complémentarités. Ils ne tentent pas de tout contrôler mais savent créer les conditions propices à l’épanouissement.

Ce faisant, ils permettent la création de valeur de manière durable et respectueuse du vivant. Les logiques « industrielles » montrent aujourd’hui leurs limites. Elles épuisent les ressources, génèrent bien souvent des externalités négatives et ne sait prendre en compte toute la complexité des logiques du vivant, à la base de l’agriculture et des sociétés humaines.

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Travail numérique, travail paysan, même combat ? http://www.mutinerie.org/travail-numerique-travail-paysan-meme-combat/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=travail-numerique-travail-paysan-meme-combat http://www.mutinerie.org/travail-numerique-travail-paysan-meme-combat/#comments Sun, 27 Oct 2013 09:33:16 +0000 William http://www.mutinerie.org/?p=27330 A l'heure ou Mutinerie se prépare à l'exode urbain, on s'aperçoit que l'organisation du travail numérique et l'organisation rurale traditionnelle se ressemblent étrangement. L'organisation rurale peut-elle être un modèle pour les travailleurs de l'économie numérique ? Et l'économie numérique ne réhabilite-elle pas certaines logiques dominantes avant la révolution industrielle ? C'est ce qu'on va voir ...

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Le travailleur du XXI ème siècle est-il en train de revenir, sans s’en apercevoir au mode d’organisation du travail paysan traditionnel ? Cette question peut paraitre saugrenue de prime abord tant l’image du développeur devant son ordinateur peut paraitre éloignée de celle du paysan. Mais pourtant, si l’on va au delà des outils et des supports, on s’aperçoit qu’au delà de la nature des tâches effectuées; les modes d’organisation ne sont pas si différents.

Dans l’économie numérique, on parle de pollinisation, d’écosystème, de viralité … Autant de termes empruntés aux logiques biologiques. Et ce n’est pas complètement un hasard. Les logiques biologiques inhérentes à la production agricole se retrouvent dans l’économie numérique et impliquent des méthodes de production sans doute plus proches entre elles que de celles héritées de l’âge industriel.

Voici à mon sens, les principaux points communs entre le travail agricole et le travail numérique :

Des systèmes complexes 

Le travail industriel manipule essentiellement de la matière inerte (charbon, métal, béton etc.) soumise à des lois strictes et invariables, les lois de la physique, de la résistance des matériaux … En terme d’organisation, des lois invariables permettent de construire des modèles fiables et optimisés et autorise donc un travail standardisé aux horaires fixes et aux procédures rigoureuses. C’est ainsi que l’on a pu écrire des formules affirmant que la production était la résultante d’une certaine combinaison entre le travail et le capital, chose qui ne s’applique correctement ni à l’économie agricole traditionnelle, ni à l’économie numérique.

Portés par ces croyances héritées du succès dans nos méthodes industrielles, nous avons commencé à les appliquer dans l’agriculture. Le problème, c’est que l’agriculture travaille à partir du vivant, soumis à d’autres lois. Car le vivant, attrape des maladies, craint les averses de grêle et interagit avec d’autres êtres vivants. Le vivant est en interaction constante avec son environnement, qui le modifie et qu’il peut lui-même modifier.

Autrement dit, manipuler du vivant c’est manipuler un système complexe, et la création de valeur dans un système complexe fonctionne de manière radicalement différente.

Qui dit système complexe dit absence de rétroaction systématique, de capacité à prévoir, à généraliser ou à systématiser car le nombre d’acteurs en interaction est trop grand et leurs liens sont trop enchevêtrés. Ainsi, selon Wikipédia une réaction chimique, comme la dissolution d’un grain de sucre dans du café, est simple car on connaît à l’avance le résultat : quelques équations permettent non seulement de décrire les processus d’évolution, mais les états futurs ou final du système. Il n’est pas nécessaire d’assister au phénomène concret ou de réaliser une expérience pour savoir ce qui va en résulter en réalité. Au contraire, les cellules nerveuses de notre cerveau, une colonie de fourmis ou les agents qui peuplent un marché économique sont autant de systèmes complexes car le seul moyen de connaître l’évolution du système est de faire l’expérience, éventuellement sur un modèle réduit.

Organisation par écosystème

La seule approche valable dans un système complexe est holisitique, puisque la somme de l’ensemble ne peut être réduite à l’addition des éléments qui le compose.

On ne peut appréhender un élément que dans son écosystème, c’est à dire en tenant compte dès le départ de ses interactions avec les autres agents.

L’économie rurale traditionnelle intègre cette logique. Les parties non consommées du blé font du foin pour le bétail, dont les déjections font ensuite de l’engrais pour les récoltes. les ruches à proximité des vergers aident les arbres à produire plus de fruit tout en produisant du miel. Les habitants s’aident mutuellement pour les récoltes, les paysans échangent leur outils et mutualisent les ressources. La clé du succès agricole n’est pas seulement dans la capacité de travail ou la rigueur de l’organisation de son entreprise mais également dans la richesse de l’environnement alentour. L’entité exploitation agricole ne se distingue pas entièrement de son environnement et ne peut être vraiment analysé sans lui. L’économie rurale traditionnelle est donc une économie circulaire et collaborative comme le devient de plus en plus l’économie numérique.

Que se soit la Silicon Valley, la scène berlinoise ou les autres lieux réputés féconds sur les domaines de l’économie numérique, on retrouve cette logique d’écosystème où le succès d’un agent s’explique largement par la richesse du terreau qui lui a permis de naitre et de grandir.

Capacité d’observation, disponibilité et sérendipité

Le paysan, comme le designer web savent parfaitement que la productivité n’est pas linéaire. On aura beau être le plus rapide du monde pour semer, pour récolter. Si l’on n’est pas présent au moment où la sécheresse s’installe ou lorsque la grêle s’abat sur les récoltes, la production finale sera en partie détruite. De même s’il n’observe pas à temps l’arrivée de parasites ou de maladies.

Ainsi, pour le paysan, la productivité est liée à une forme de disponibilité et de vigilance dans des moments aussi importants qu’imprévus plus qu’à une capacité d’exécution stakanoviste.

Le designer, à la recherche de l’idée brillante pour repenser l’expérience utilisateur d’un service en ligne sait que celle-ci pourra surgir lors d’une discussion anodine ou en observant le fonctionnement de son restaurant d’à coté… Il en va de même pour des pans entiers du travail numérique dans lequel la créativité, la veille, la disponibilité  et la capacité à saisir des opportunités nées de l’environnement sont indispensables.

Polyvalence et indépendance 

Comme le travailleur numérique, le paysan traditionnel est la plupart du temps indépendant et polyvalent. il travaille « en mode projet » sur des missions souvent différentes. le bricolage d’une clôture n’a rien à voir avec l’entretien de ses vignes ou la vente de ses produits sur le marché et pourtant, toutes ces tâches sont essentielles à la réalisation du projet central.

Ils sont des « hommes-projets » et non pas des « hommes-fonctions » ce qui implique une grande polyvalence et un art consommé de la démerde.

Esprit de Bidouille

Dans l’économie numérique, beaucoup s’extasient régulièrement sur le Lean et les principes de cycles courts d’essais, d’implémentation et de pivot. On met en avant l’esprit de bidouille des travailleurs du numérique, du développeur, du hacker mais ces logiques se retrouvent déjà depuis des siècles dans l’agriculture où l’on fonctionne par test et implémentations successives. Cette terre parait bonne pour les asperges ? essayons à petite échelle et voyons si cette hypothèse est validée. Cette variété me parait plus adaptée à mon environnement ? testons-la…

L’esprit de bidouille est une qualité majeure pour évoluer plus aisément dans un système complexe dans lequel l’expérimentation est la clé de la compréhension.

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Vers un exode urbain numérique ? http://www.mutinerie.org/vers-un-exode-urbain-numerique/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=vers-un-exode-urbain-numerique http://www.mutinerie.org/vers-un-exode-urbain-numerique/#comments Tue, 19 Mar 2013 07:58:57 +0000 William http://www.mutinerie.org/?p=26089 La révolution numérique entrainera-elle un exode des urbains vers les campagnes ? Mutinerie se penche sur la question...

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Depuis les années 90, la population rurale est repartie à la hausse en France après plus de 150 ans de baisse continue. La hausse est certes modeste et concerne davantage les périphéries urbaines que les zones véritablement rurales mais elle met fin à un processus présenté comme inéluctable. Plus d’un Francilien sur deux souhaiterait aujourd’hui quitter l’Ile de France ! Et la moitié des candidats au départ se projettent dans une ville petite ou de taille moyenne (moins de 100 000 habitants), devant la campagne (26%) ou la grande ville (18%).

Derrière ce phénomène de retour aux campagnes se cachent des réalités très différentes qui, à mon sens ne permettent pas de conclure à un véritable exode urbain; enchérissement des centres-villes entrainant une fuite vers les périphéries par le mitage des campagnes alentour, fermetures de bassins industriels urbains, augmentation des retraites en zones rurales, fuite des villes pour cause de pollution ou d’insécurité …

L’essentiel du contenu que l’on peut trouver dans les publications suit le même angle d’attaque qui, à mon sens passe à coté de la question de fond. Car il ne suffit pas de constater un mouvement allant des centres vers les périphéries pour conclure à un authentique exode urbain.

La raison principale de l’exode rural fut économique et technologique. Avec la révolution industrielle, les besoins en main d’oeuvre et les revenus chutaient dans l’agriculture alors qu’ils explosaient dans l’industrie. Pour subsister, les populations agricoles sans activité se sont exilées vers les bassins industriels avides de main d’oeuvre.

De la même façon, pour savoir si nous sommes véritablement en train d’assister à un exode urbain, il faut se poser les questions suivantes :

Les zones rurales sont-elles en train de devenir économiquement plus attractives que les villes sur le plan économique ? Quels sont les éléments qui nous permettent de comprendre les causes et les caractéristiques de ce phénomène naissant ?

Evidemment, la vérité est rarement pure et jamais simple. Ce qui suit n’a pas vocation à s’appliquer uniformément partout comme une règle absolue.

Un exode urbain numérique

Dire que les technologies numériques favorisent la mobilité et le travail à distance est presque un lieu commun. Mais il n’en reste pas moins que cet élément est central si l’on veut appréhender l’exode urbain. Plus important, la révolution numérique doit être comprise comme une authentique révolution, non pas comme un simple outil pratique.

La première lecture, c’est que les moyens numériques permettent techniquement de travailler depuis n’importe où. Les technologies actuelles permettent à un travailleur d’accomplir avec un ordinateur et un téléphone, des choses qui nécessitaient, il y’a seulement une quinzaine d’année, un ensemble d’équipements lourds et coûteux. Dans de nombreux métiers, Internet donne à chacun l’accès à un marché de millions d’individus et peu importe que vous viviez à Paris ou au fin fond de l’Ardèche…

Même dans les secteurs non directement liés à l’économie de la connaissance, les moyens de production s’allègent et se décentralisent. On le voit avec des exemples très concrets tels que les imprimantes 3D ou d’autres exemples de productions décentralisées. Mais les moyens numériques permettent un meilleur usage des choses et une meilleure accessibilité des biens d’usage non courant à travers les nouvelles pratiques collaboratives.

La deuxième lecture consiste à voir, au delà des aspects technologiques, ce que le numérique ouvre sur le champ des possibles. Les révolutions néolithiques et industrielles commencent avec des innovations technologiques qui facilitent l’existence. Mais très vite, elles finissent par tout changer, notre rapport à l’espace, aux autres, à nous-même… Elles redéfinissent nos logiciels de pensée.

De la même manière que la révolution industrielle déplace les sources de valeur de l’agriculture vers l’industrie, la révolution numérique déplace la valeur de l’industrie vers la production intellectuelle.

Or, la production intellectuelle (ou cognitive) n’est pas dépendante des infrastructures matérielles complexes que l’on trouve essentiellement dans les villes, elle dépend de la richesse d’un écosystème  qu’il soit urbain, rural ou même virtuel. L’avantage économique des villes, qui était déterminant dans l’ère industrielle, perd ici une partie de sa substance.

Un exode urbain mené par des indépendants

Il n’y aura pas de véritable exode urbain tant que les zones rurales ne pourront être considérés comme de véritables zones d’attraction économiques. Mais, par « zones d’attractions économiques » ne voyons pas là des transpositions des modèles qui firent le succès de l’âge industriel. L’exode urbain ne doit pas être appréhendé avec les idées et les armes d’hier.

la campagne n’a jamais été le terreau adapté au salariat. L’exode rural concernait essentiellement des indépendants (agriculteurs, artisans…) quittant ce mode de travail pour le salariat et il est à parier que l’exode urbain s’inscrira dans le mouvement inverse.

Il existe une corrélation très nette entre le mouvement d’urbanisation de l’occident et celle du nombre de travailleurs indépendants. En 1830 en France, on compte encore 50% d’indépendants dans la population active dans une France encore largement rurale. En 1930, ils ne sont plus que 33%. Après une stabilisation du ratio pour cause de Grande dépression (qui est une essentiellement une crise du capitalisme industriel) et de guerre mondiale, la chute du nombre de travailleurs indépendant reprend de plus belle, encouragée par les Etats occidentaux. En 2007, ils représentent moins 10% de la population active comme le montre cet excellent rapport intitulé « le travailleur indépendant, figure du XXIème siècle » . Le lien entre  industrialisation, exode rural et diminution du nombre d’actifs indépendant est net.

Or le nombre d’indépendants ne cesse d’augmenter dans tous les pays industrialisés. En France, nous sommes passé de 9,6% d’indépendants en 2007 à 11,6 fin 2012. On estime les populations d’indépendants aux Etats-Unis à 35 millions contre 27 millions en Europe.  Cette augmentation numérique rapide, s’accompagne d’une revalorisation nette du travail indépendant par rapport au travail salarié.

L’exode urbain sera principalement mené par des indépendants. Sur le terrain, c’est ce que constate Xavier de Mazenod, fondateur de Zevillage, un site d’information, et un réseau social sur les nouvelles formes de travail. Xavier lui-même a quitté l’Ile de France pour s’installer à Boitron un petit village dans l’Orne. Il est à l’initiative d’un télécentre dans son village.  »Sur 12 travailleurs, on ne compte que 3 salariés dans l’espace. Le modèle du télétravail salarié ne prend pas vraiment dans les campagnes ». Et de fait, l’expérience du télétravail sur le modèle salarié n’est pas récente, elle commence dès le milieu des années 80 et n’a toujours pas réellement donné de résultats incontestables.

Les zones rurales, vastes et peu denses requièrent une forte dose d’autonomie et de polyvalence, éléments assez peu compatibles avec le salariat traditionnel. Elles conviennent bien mieux aux indépendants, capables de gérer leur emploi du temps et leurs déplacements.

Dans l’agriculture, il est impossible de compter le travail en terme de productivité horaire selon des créneaux bien définis. Ce qui compte, c’est être disponible dans les moments importants (récoltes, intempéries, opportunités, incidents…). Cette qualité est également centrale chez les indépendants et les entrepreneurs de l’économie cognitive.

L’indépendant peut travailler au moins une partie de son temps à distance bien plus facilement que le salarié, il n’a pas besoin de s’implanter dans un endroit où la main d’oeuvre est accessible, il est mobile et peut se déplacer avec tout ce qui lui est nécessaire si besoin. Cela le rend mieux à même de profiter réellement du coût plus faible de la vie rural.

Emmanuelle Pometan, fondatrice de l’Agence Nouvelle Culture a quitté Paris  il y’a 6 mois pour s’établir dans la Drôme d’où elle travaille l’essentiel de son temps. Elle remonte à Paris trois fois par mois. « je n’ai perdu aucun client depuis que je me suis installée dans la Drôme, je n’ai raté qu’un seul rendez-vous. D’autre part, l’image de mon entreprise n’a pas souffert auprès des clients, bien au contraire, ils trouvent ça très moderne ».

De l’espace fonctionnel à l’espace comme écosystème

« Les gens qui disent que le travail localisé est mort travaillent dans une industrie définie par un lieu : la Silicon Valley. Ceci veut dire que l’espace compte encore. C’est l’un des facteurs de changement les plus importants. »
Jim Keane, Vice-président de Steelcase

Les modes de vie sont inévitablement liés aux moyens de subsistance. Et ces moyens évoluent, au fil du temps et des avancées technologiques. Historiquement, les peuples ont commencé à se sédentariser à partir de la révolution néolithique. Le passage d’une vie de chasseur-ceuilleur à une vie où le moyen de subsistance, lié au sol, impose de rester sédentaire a totalement bouleversé les rapport sociaux et les modes de vie. La vie sédentaire agricole ayant besoin d’espace, elle appelle à un peuplement extensif réparti sur les vastes territoires, donc à une importante population rurale. La révolution industrielle lie les hommes, non plus à la terre mais à des usines ou à des mines, sur un modèle de développement intensif qui entraine l’apparition de villes à la vocation nouvelle.

Ces villes industrielles ne sont plus considérées comme des zones de friction et d’échange, visions qui prévalaient avant la révolution industrielle, mais comme des méta-infrastructures nécessaires à la production.

C’est la ville fonctionnelle développée par Le Corbusier qui devint le modèle dominant de la reconstruction d’après guerre et dont la conséquence directe fut la séparation des villes en « fonctions »; vie, travail, loisirs et infrastructures de transport. Les grands ensembles de banlieue, les cités dortoirs, les centres d’affaires, les centres commerciaux sont les héritiers de cette vision fonctionnaliste. En fluidifiant les fonctions urbaines et en décomposant les villes, celles-ci sont devenues de véritables broyeuses à externalités positives qui étaient la raison d’être des villes autrefois et qui seront sans aucun doute à nouveau la raison d’être des villes de la révolution numérique dont la productivité dépend de la pollinisation et la captation d’externalités positives. Les villes dominantes de la révolution numérique seront capables de générer des rencontres riches et authentiques, de la sérendipité, du lien social, du sentiment d’appartenance et de la confiance. Si la question des villes à l’heure numérique vous intéresse, j’avais écrit un article sur la , intitulé « cité digitale, cité idéale » …

La révolution numérique, n’abolit pas l’espace, elle le transforme. Elle lui donne un sens et des usages nouveaux.

Et le nouvel usage de l’espace, c’est d’être non plus une infrastructure, mais un écosystème. Un cadre général favorable à telle ou telle activité. Un écosystème se compose d’une multitude de paramètres en interaction permanente. Il suppose du frottement et un croisement des usages

L’exode urbain sera donc vraisemblablement porté par des espaces multifonctionnels. Un exemple déjà concluant en zone rurale est celui des points multiservices permettant par exemple à une boulangerie de proposer des services de retrait d’argent, d’information touristique etc… Cela pérennise l’activité des commerçants locaux, facilité l’accès aux services en zone rurale et permet d’assurer une mission de service public à moindre coût. Exemple d’approche écosystémique réussi.

Xavier de Mazenod souligne l’importance du multiservice en zone rurale « l’idée qu’un lieu égal une fonction ne peut pas marcher en zone rurale » Le télécentre de Boitron accueille des activités très variés; initiations à l’informatique, fêtes ou même élections …

Dans la révolution numérique, l’environnement remplace l’infrastructure et le projet remplace le métier. pour chaque activité peuvent correspondrent différents environnements appropriés.

Dans cette logique, la ville offre un écosystème favorable à certaines activités. On y trouve plus aisément des clients et des partenaires, on y promeut efficacement ses activités, on dispose d’un accès facile à l’information …

La campagne permet une meilleure concentration et une capacité d’exécution accrue. Elle permet une prise de recul et une meilleure capacité de synthèse…

Emmanuelle apprécie l’alternance entre le travail en zones rurales et le travail en zones urbaines. Elle voit cette alternance comme un atout pour sa productivité.

La bonne décision économique pour le travailleur cognitif aujourd’hui n’est-elle pas de pouvoir profiter de cette diversité d’écosystème selon les besoins de son activité ? Ce sera peut-être une question déterminante pour les travailleurs de demain, prêts à évoluer comme des nomades, saisissant dans les différents environnements qu’ils traversent, ce qui est nécéssaire à la réalisation de leurs activités.

Round-Top

Le coworking pourra-il accompagner et encourager ces tendances ?

Le coworking est né de la culture numérique. Il concerne des indépendants mobiles, voire nomades et privilégie une approche par écosystème. Alors vu comme ça, il apparait comme un excellent candidat pour devenir l’un des fers de lance de l’exode urbain.

Et de fait, le coworking se développe en zone rurale et parait très prometteur. Il existe déjà plusieurs initiatives de coworking ruraux comme Arrêt Minute en Aquitaine.

De son coté, l’équipage mutin, toujours assoiffé d’experience, se lance dans l’exploration du coworking en milieu rural. Notre terre d’élection; le Perche. Notre mission; développer un écosystème favorable pour les travailleurs indépendants percherons ou aspirant percherons. Créer une « Percheronne Vallée » dans les vallons harmonieux du Parc Naturel. Nous partons vendredi prochain pour un weekend pour la Loupe dans le Perche. Pour suivre nos aventures Percheronnes sur Facebook, c’est ici. Et pour vous inscrire au Jelly prévu vendredi soir, c’est  !

Le 21 mars au comptoir Général à Paris se déroulera la restitution du Tour de France du Télétravail Mené par Néo-nomade et Zevillage. ce sera l’occasion d’avoir un retour d’experience très riches des initiatives de travail en milieu rural.

 

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