Mutinerie, libres ensemble - espace de coworking à Paris » économie http://www.mutinerie.org Libres ensemble Wed, 22 Oct 2014 16:19:31 +0000 fr-FR hourly 1 Des Espaces et des Idées http://www.mutinerie.org/des-espaces-et-des-idees/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=des-espaces-et-des-idees http://www.mutinerie.org/des-espaces-et-des-idees/#comments Tue, 29 May 2012 14:13:56 +0000 William http://www.mutinerie.org/?p=4467 Quels sont les liens mystérieux qui unissent les espaces et les idées ? Qu’est-ce qui fait que certains lieux sont créatifs et d’autres ne le sont pas ? Comment améliorer la fécondité créative d’un lieu ? Mutinerie mène l’enquête …

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Je me suis souvent demandé pourquoi certains espaces, certaines villes ou certains territoires ont vu naitre tant d’idées nouvelles ou d’innovations en tous genres. Pourquoi certaines entreprises ont été, ou sont encore des terreaux à idées tandis que d’autres apparaissent incapables de proposer de véritables nouveautés? On pense à Athènes, cette cité si petite par sa taille mais dont la fécondité fut absolument stupéfiante à tous les niveaux (philosophiques, politiques, religieux, scientifiques …) au point qu’elle irrigue encore notre époque. On pense à Apple qui dépense 6 fois moins de dépenses de recherches et développementque Microsoft, mais dont la capacité à innover est incomparablement plus importante. On pense à des villes comme New York, qui depuis sa fondation a produit un nombre incalculable d’œuvres et d’idées, qui a impulsé son énergie à tant d’immigrés issus des quatre coins du monde… On pense à l’Italie de la Renaissance, à l’Allemagne de la Réforme, aux salons des Lumières, aux ateliers d’artistes du XIXème siècle, à Paris sous la Commune, à la Silicon valley, à Berlin aujourd’hui…

Ce n’est ni la taille, ni la richesse, ni la puissance, ni le nombre d’habitants qui déterminent la fécondité d’un espace. La logique créative échappe de manière insolente à tous ces critères « objectifs ».

Pour autant, si l’on a vu que certains territoires sont capables de produire des idées vraiment nouvelles de manière répétée, on peut en conclure qu’il ne s’agit pas non plus du simple fruit du hasard ou de la statistique. Dans une vidéo intitulée Where good ideas come from, Steven Johnson explique que, contrairement à l’idée qu’on se fait de la naissance des bonnes idées, celles-ci ne surgissent pas d’un coup après avoir reçu une pomme sur la tronche ou un autre évènement soudain de cette nature, elles tendent au contraire à avoir une période de gestation très longue et à faire leur chemin lentement, depuis les tréfonds de l’inconscient jusqu’à sa formulation nette et précise. Une idée ne surgit pas du jour au lendemain, toute faite, toute formée de la cuisse de Jupiter ! Elle est favorisée par un terreau. Mais bizarrement, peu de gens s’intéressent à la composition chimique de ces terreaux fertiles. Voilà donc l’objectif de ce billet : tenter de comprendre quelles sont ses relations secrètes entre les espaces et les idées, essayer de voir s’il n’existe-il pas des points communs entre tous ces lieux, des constantes que l’on pourrait tenter de cerner et d’utiliser à nouveau pour créer des lieux capables de produire les mutations et les idées nouvelles dont le XXIème siècle aurait bien besoin.

Territoires Mythiques

Ce qui est maintenant prouvé ne fut jadis qu’imaginé. William Blake

Blake Un point commun entre tous les espaces créatifs sur lesquels je me suis penché, c’est la charge symbolique extrêmement dense qu’ils contiennent. Les territoires féconds ont tous une histoire riche, une mythologie forte inscrite directement dans le paysage. Le territoire Grec antique est littéralement peuplé de monstres, de Dieux, de héros, de symboles… Cette montagne n’est pas un vulgaire amas de caillou, c’est le Panthéon, la demeure des dieux. Cette île est celle où Ulysse échoua, cette plaine fut le théâtre d’une bataille décisive contre les Perses etc… Dans les rues de Berlin, les plaies de l’ère industrielle sont bien visibles. La ville porte les stigmates de deux guerres mondiales, de confrontations idéologiques et militaires sans précédent mais aussi de la réconciliation, la réunification et l’unité retrouvée de l’Allemagne … Elle s’est située au paroxysme des tensions qui ont traversées le XXème siècle. Cette histoire est inscrite dans les murs de la ville qui s’affirme de plus en plus comme un lieu de renouveau culturel et artistique … Google est l’une des entreprises les plus innovantes de ces dernières années et c’est également une entreprise qui a attaché dès le début une importance majeure à ses mythes fondateurs et à l’aménagement de leurs espaces de travail. Le choix du nom de Google a tous les composants du bon mythe de même que la naissance de l’entreprise, dans un garage de la Silicon Valley. Comment le mythe favorise la créativité ? Le lien entre le mythe et la créativité n’est pas forcément évident et merite d’être expliqué. Lors de mes recherches, j’ai découvert un document d’aide à l’écriturequi part du principe que le mythe est à l’origine de toute création artistique :

Le mythe se situe à mi-chemin entre le réel et l’irréel et crée des ponts entre les deux mondes. Il dépasse, mais de peu les limites de l’expérience humaine.

  • Un environnement chargé de mythe nous maintient donc en contact et nous familiarise avec le bizarre, l’irréel. Or la création a besoin de s’ancrer dans les experiences vécues et de les dépasser. Baigner dans un environnement mythique ouvre, pour reprendre William Blake « les portes de la perception » et favorise donc en ce sens la faculté de création.
  • Un environnement baigné de mythe devient par la suite créateur de sens nouveaux, d’idées nouvelles. Il inspire, il questionne. Ce qu’on n’a sous les yeux n’est plus simplement une disposition de matière inerte fixé dans 3 dimensions. Il n’est plus un espace strictement géographique, il prend une dimension psychologique et spirituelle bien plus riche, bien plus inspirante qu’un monde uniquement matériel, et vide de sens… L’espace se peuple par les projections que l’on y fait et le sens que l’on y donne. Investi par l’esprit humain, l’univers devient un multivers, il n’est plus une donnée évidente mais un champ des possibles. Et ce champ des possibles est une matrice idéale pour l’innovation.
  • Par ailleurs, dans « Where good ideas comes from », Steven Johnson parle de la lente gestation des idées : ce qui n’est qu’une intuition peut devenir une idée clairement formalisée des années plus tard dans l’esprit d’un autre. D’où l’importance d’avoir un moyen de véhiculer ces intuitions en jachère. Or le mythe, par sa capacité à véhiculer les idées sans les emprisonner et par le fait qu’il est partagé par tous, permet la transmission d’idées en gestation et fertilise les esprits.

Territoires Appropriables

Pour ceux qui ont pu séjourner dans des villes comme Berlin ou New-York, n’avez-vous pas été surpris par la capacité qu’elles ont de se laisser apprivoiser ? Il suffit souvent de quelques jours pour s’y sentir chez soi et de quelques mois pour avoir l’impression d’être devenu un acteur de la vie de la ville. Cette faculté d’appropriation se retrouve dans tous les espaces créatifs que j’ai pu étudier. Ce qui fait qu’un espace est appropriable est en revanche plus mystérieux et dépend autant d’un climat politique et culturel que de l’agencement de l’espace en lui-même. Le climat démocratique d’Athènes permettant à chaque citoyen de devenir maître de son territoire explique en bonne partie sa fécondité, mais pour l’heure, ce qui m’interesse, c’est le rôle des espaces physiques sur la créativité. Certains éléments d’environnement ou d’architecture peuvent jouer un rôle majeur dans la capacité d’appropriation d’un lieu :

  • On s’approprie bien plus facilement ce qui est unique et non replicable. On est généralement plus attaché à la vielle table fabriquée par son grand-père il y a 30 ans qu’à une table Ikéa standard. Lorsque l’on s’attache à un environnement et que l’on a conscience de son caractère unique, on souhaite le défendre, le promouvoir et lui rendre ce qu’il nous a donné. Cela pousse à maintenir et à cultiver ce qui fait notre spécificité. Cela permet de développer le goût pour les choses différentes et originales.
  • On s’approprie aussi ce que l’on peut toucher, ce que l’on peut modifier. Tous les esprits créatifs savent bien qu’une idée apparaît souvent après avoir manipulé et mélangé différents ingrédients dans tous les sens. C’est en manipulant des choses, guidés par le hasard et l’intuition qu’on parvient à faire apparaitre de grandes idées. C’est pourquoi un environnement manipulable favorise l’emergence de nouveautés.
  • Enfin, on s’approprie ce qui est ouvert, ce qui appartient à tous. L’espace public, lorsqu’il est conçu pour être un lieu appartenant à tout le monde (et non pas comme n’appartenant à personne ou appartenant à un état qui ne nous représente pas vraiment) devient un bien commun. Dans ces conditions, on ne subit plus l’environnement, on le personnalise, on y projette ce que l’on est librement. On s’y exprime véritablement et la somme de ces energies qui s’expriment librement favorise la naissance d’idées nouvelles et différentes.

Un lieu appropriable doit être unique, modifiable, ouvert et attachant.

Je pense qu’une des erreurs les plus lourdes des concepteurs d’espaces au 20ème siècle est d’avoir omis cette dimension d’appropriation. Le Corbusier et ses disciples, lors de la charte d’Athènes mettent au point la ville fonctionnelle réduite à 4 fonctions distinctes et séparées : la vie, le travail, les loisirs et les infrastructures de transport. Les grands ensembles de banlieue ont été conçues ex-nihilo, dans cette optique fonctionnelle ; on a cru que si l’on fournissait aux habitants toutes les commodités nécessaires, ceux-ci seraient rapidement plus heureux et plus épanouis. Or ces tours froides, laides, standardisées ne s’approprient pas facilement. Pensées et dessinées par de lointains urbanistes, elles ne peuvent ni être modifiées, ni être personnalisées. Elles paraissent hors de portée. L’être humain ne peut pas créer sans s’approprier son univers. La musique, la danse les graphs qui sont nés dans ces tours peuvent être interprétés comme une tentative de réappropriation de ces espaces. Mais cet univers n’a pu naitre qu’au prix d’une fracture sociale de plus en plus radicale. La ville du XXème siècle est de manière général un echec flagrant en terme de capacité à se laisser approprier. Il y a un gros boulot à faire pour penser et réaliser les villes du XXIème ….

Territoires Agités

Madness !

Imaginons nous à l’aube de la révolution industrielle et comparons rapidement l’Europe et la Chine telle qu’elles étaient alors. La Chine est alors plus riche, elle est unie politiquement et ne connait plus vraiment de famine depuis déjà plusieurs siècles. Ses technologies sont supérieures dans bien des domaines à celle de l’Europe. Sur le papier, elle devrait être la mieux placée pour devenir le lieu de lancement d’une révolution industrielle. Pourtant, c’est bien la vieille Europe, divisée, et malmenée qui décolla la première ! On pourrait multiplier les exemples dans tous les domaines, La Grèce est également morcelée en des dizaines de cités qui se castagnent sauvagement. Le début du christianisme est marqué par l’apparition de dizaines d’hérésies plus ou moins loufoques, New York et Berlin sont crasseuses et chaotiques, le Macintosh a été développé en marge et pratiquement en opposition avec Apple etc… Visiblement, un espace créatif est un endroit remuant !

Pourquoi ?Essayons de comprendre comment un chaos relatif permet de stimuler la fécondité d’un lieu :

  • Zones de Friction

C’est ainsi que naissent les grandes inventions : par le contact inopiné de deux produits posés par hasard, l’un à côté de l’autre, sur une paillasse de laboratoire. Jean Echenoz

Si l’on considère son environnement comme une gigantesque paillasse de laboratoire, on comprend que tout ce qu’on peut poser l’un à coté de l’autre peut donner naissance à des grandes inventions ! Ainsi, on peut considérer que le hasard qui a mis en contact la pensée grecque et la pensée juive a donné naissance au christianisme. Le hasard de la rencontre entre protestants fuyant l’europe et émigrés des quatre coins du monde a donné naissance à l’esprit américain. La rencontre hasardeuse entre une pomme et Isaac Newton a permis de formaliser la théorie de la gravité etc… Et pour que les idées, les cultures, les hommes et les technologies se rencontrent il faut de la friction. Les espaces créatifs sont des lieux de friction. Ils sont des lieux de rencontres et de confrontation. Des plaques tournantes pour différentes idées, différentes sensibilités, différentes technologies, differentes personnes …

  • Zones d’Inconfort

Dans la plupart des cas, la nécessité est mère de l’invention. La planque dorée comme la misère absolue stérilisent la créativité. Dans un cas, le confort et à tranquillité sont tels qu’on n’éprouvera même pas le besoin d’innover, dans l’autre, la vie est tellement précaire que la moindre prise de risque supplémentaire pourrait être fatale. La zone créative se situe entre les deux. Il faut une dose d’inconfort mais dans le même temps, il faut avoir suffisamment de marge de manoeuvre pour experimenter sans y laisser sa peau.

  • Zones de Selection

La Grèce et l’Europe, aussi divisées qu’elles furent, ont été des espaces créatifs sans précédent. Ces divisions ne sont sans doute pas avantageuses économiquement mais elles peuvent l’être sur le plan créatif. 10 pays valent mieux qu’un seul pour tester des idées ou des technologies nouvelles. Si ces zones distinctes sont capables d’échanger entre elles et ont l’intelligence d’adapter leurs modèles, les mauvaises idées seront éliminées et les bonnes seront validées par l’experience.

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Avez-vous dit Homo Economicus ? http://www.mutinerie.org/avez-vous-dit-homo-economicus/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=avez-vous-dit-homo-economicus http://www.mutinerie.org/avez-vous-dit-homo-economicus/#comments Fri, 24 Feb 2012 07:56:25 +0000 William http://www.mutinerie.org/?p=3902 les économistes classiques qui ont essayé de comprendre les comportements de ces agents économiques se sont basés sur le modèle contestable d'un homme aux motivations exclusivement égoïstes et utilitariste ; l’homo Economicus. Mais l'égoïsme est-il le seul levier des motivations humaines ?

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Comment prenons-nous nos décisions ? Quelles sont les motivations qui sous-tendent nos choix ?

Ce genre de questionnement est directement à l’origine de la microéconomie puisqu’elle « prend comme objet d’études les comportements des agents économiques individuels ». Or, les économistes classiques qui ont essayé de comprendre les comportements de ces agents économiques se sont basés sur le modèle contestable d’un homme aux motivations exclusivement égoïstes et utilitariste ; l’homo economicus.

Portrait de l’Homo Economicus

…Parce que ça ne fait pas de mal de se rafraichir la mémoire…

Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière et du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu’ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme. Adam Smith

L’homo economicus est absolument utilitariste et fondamentalement égoïste. Seul, sur une ile déserte, il serait aussi heureux que vivant parmi ses semblables si ses besoins étaient satisfaits de la même manière dans les deux situations ! L’homo economicus connaît ses besoins de manière parfaite et sait les prioriser à tout moment. Par conséquent, il n’est pas influençable.

L’homo Economicus ne compte que sur lui pour maximiser son utilité (définie officiellement comme la sensation de plaisir qui découle de la consommation d’un bien). L’existence d’une société organisée est pour lui un avantage simplement dans la mesure ou l’union des hommes, des ressources et des compétences lui permet d’obtenir plus à moindre coût, et par conséquent de maximiser son bien-être.

D’après les modèles microéconomiques classiques, l’homo economicus a deux fonctions : produire et consommer. Lorsqu’il produit, il cherche à maximiser son profit sous la contrainte des coûts de production. Lorsqu’il consomme, il cherche à maximiser son « utilité » sous la contrainte de ses revenus. De cette manière, seul le profit motive la production et seul le revenu permet de satisfaire les besoins humains.

Autrement dit, dans ce modèle, ce qui ne s’achète pas n’est pas utile et ce qui ne se vend pas ne devrait jamais être produit.

Ce qui est produit mais qui n’est pas vendable (comme le billet que vous lisez) n’a aucune valeur, et ce qui s’acquiert sans être acheté (comme l’air que vous respirez) n’est pas utile !

Evidement, l’homo economicus n’a jamais eu vocation à être totalement réaliste, il a été conçu comme une base de travail théorique pour l’analyse de comportements dit « économiques ». N’empêche qu’il sert quand même de base aux réflexions économiques depuis 150 ans. N’empêche qu’il continue à modeler, et de plus en plus à déformer le monde dans lequel nous vivons….

L’homo Economicus ne suffit plus

Pendant longtemps, cette vision économique de l’homme a permit de faire progresser la compréhension des mécanismes économiques dans des sociétés marquées par le manque matériel et encore imprégnées par des siècles de mysticisme religieux.

Lorsque les ressources matérielles manquent, lorsque trouver de quoi manger est un combat permanent, il est évident que l’homo economicus fera plus fortement entendre sa voix, votre ventre criera famine et vous ordonnera de vous mettre en marche, sagaie à la main pour chasser l’auroch à travers la plaine ! Mais lorsque cette pression s’éloigne, les autres motivations humaines surgissent et modifient nos comportements et donc, les logiques économiques.

Nos lointains ancêtres avaient beau souffrir milles maux dans leurs cavernes, entre les ours et les glaces, ils trouvaient quand même l’énergie de peindre des fresques ou d’enterrer leurs morts…

L’économie n’est pas une science dure dans laquelle la théorie est toute puissante, « elle traite des actions réelles d’hommes réels. Ses théorèmes ne se réfèrent ni à des hommes parfaits ou idéaux ni au fantôme mythique de l’homme économique ni à la notion statistique de l’homme moyen. » (Ludwig von MisesL’Action Humaine)

D’ou l’importance de ne pas se planter sur le point de départ de l’économie ; l’homme réel et ses motivations réelles ! d’où l’intérêt d’essayer de comprendre ce qui motive les vrais humains ! Et l’homme réel est franchement différent de l’homo Economicus qui sert de base à l’immense majorité de nos modèles economiques.

Dans la réalité, les décisions que nous prenons sont presque toujours complexes et se composent d’un mélange de variables différentes. Même dans un acte d’une affligeante banalité, les motivations qui se nichent derrière lui sont quasi infinies :

Qu’est-ce que je recherche en achetant un pull-over ?

  • Je recherche à être au chaud cet hiver.
  • Je recherche un pull qui plaira à mon entourage et qui pourra attirer l’attention (ou simplement m’éviter la honte).
  • Je recherche un pull que je trouve beau et qui correspond à ce que je suis.
  • Je souhaite soutenir cette production équitable qui respecte la charte internationale des droits de l’alpaga.
  • C’est un bon pote qui fait ces pulls et ça me fait plaisir de lui en acheter un.

On voit que pour une simple décision dite économique, le rapport utilité/prix n’est pas le seul argument qui entre en jeu dans l’achat du produit. La considération sociale ou l’éthique personnelle jouent également un rôle majeur dans la prise de décision. Ces sources de motivations sont indépendantes de celles de l’homo economicus mais jouent ici un rôle majeur dans la décision du consommateur.

Partant de là, laissez-moi donc vous présenter deux autres homos oubliés des économistes mais qui permettront peut-être d’aider à reconstruire une économie centrée sur un homme qui nous ressemble davantage ; l’homo Socialis et l’homo Spiritualis.

Portrait de l’Homo Socialis

Le roi de France est le plus puissant prince de l’Europe. Il n’a point de mines d’or comme le roi d’Espagne son voisin; mais il a plus de richesses que lui, parce qu’il les tire de la vanité de ses sujets, plus inépuisable que les mines. On lui a vu entreprendre ou soutenir de grandes guerres, n’ayant d’autres fonds que des titres d’honneur à vendre; et, par un prodige de l’orgueil humain, ses troupes se trouvaient payées, ses places munies, et ses flottes équipées. Montesquieu, lettres persanes

Manners for the Metropolis

Vu sous cet angle, l’homo Socialis ne vous apparait pas forcément plus sympathique que son grand frère! Il n’en reste pas moins que la considération sociale est un levier de motivation puissant, qui n’a rien à voir avec les motivations matérialistes de l’homo Economicus mais qui joue pourtant un rôle majeur dans l’économie.

Où en serait l’économie contemporaine si nous n’achetions nos vêtements uniquement sur leur capacité à remplir leur fonctions utilitaires ? Quels genres de voitures achèterions-nous si nous nous basions simplement sur leur capacité à nous transporter d’un point A à un point B ?

L’homo Socialis a besoin de la considération d’autrui pour augmenter son bien-être. La reconnaissance sociale, l’envie d’éviter la honte publique, la réprobation générale, l’envie d’influencer, de se faire remarquer positivement par ses semblables sont pour l’homo Socialis des fins en soit. Il est prêt à payer davantage pour des produits ayant les mêmes fonctionnalités mais véhiculant une image plus prestigieuse, il est prêt à gagner moins d’argent pour un emploi mieux considéré. L’homo Socialis n’est pas autocentré, il est sociable et considère les comportements de ses semblables comme indispensables à son « utilité » personnelle.

L’homo socialis est conformiste, empathique, influençable, sociable et vaniteux. Il n’a pas de goûts ni de valeurs morales absolues mais se conforme à ce que l’on attend de lui, il se comportera comme « la société » veut qu’il se comporte…

Si vous voulez vous convaincre de la force de l’Homo Socialis sur nos décisions, je vous invite à regarder différentes expériences scientifiques hallucinantes. L’expérience de Ash permet de mieux comprendre les phénomènes de conformisme en montrant que si les membres d’un groupe humain optaient tous pour une décision totalement fausse, la plupart des sujets étudiés tendaient à prendre les mêmes décisions que le groupe et préféraient se croire trompés par leurs sens plutôt que d’envisager que le groupe pût avoir tord.

L’expérience de Milgram cherchait à évaluer le degré d’obéissance d’un individu devant une autorité qu’il juge légitime et à analyser le processus de soumission à l’autorité, notamment quand elle induit des actions qui posent des problèmes de conscience au sujet.

Enfin, l’experience de Stanford permet de prendre conscience des phénomènes de distorsion des comportements des individus lorsqu’ils se trouvent en situation de pouvoir. Le principe, diviser un groupe d’étudiants en prisonniers et en gardiens et observer comment les individus sains d’esprit placés en situation d’autorité pouvaient s’avérer capables d’abuser de celle-ci de manière incroyable.

Malgré ses traits de caractères pas forcément reluisants, l’Homo Socialis écoute et prend en considération ses semblables, il peut ainsi apprendre des autres et interagir avec eux. Il est à la base de l’existence des sociétés humaines.

Portrait de l’homo Spiritualis

Tout ce qu’on ne fait pas par conviction est péché. Saint Paul

L’homo Spiritualis est motivé par ses valeurs et par la perception qu’il a de son univers. Il cherche à tendre vers un idéal à priori totalement indépendant de ses intérêts personnels et déconnecté d’une recherche de reconnaissance ou de considération sociale.

S’il produit, il recherchera à créer quelque chose qu’il jugera beau et/ou vraiment utile. Ce qui le motive ici c’est ce qu’il place lui-même derrière le Beau, le Vrai, le Juste ou toute autre valeur « absolue » de ce genre. Ces besoins ne trouvent leur origine ni dans la nature ni dans la société mais dans les contraintes esthétiques et morales que l’homo spiritualis s’est imposées. En temps que consommateur, il sera attiré par des produits compatibles avec ses valeurs et ses goûts personnels et sera prêt à payer plus cher un bien parce qu’il sait que celui-ci a été produit dans des conditions humainement acceptables ou parce que celui ci a été produit dans son pays ou simplement parce qu’il apprécie la démarche créative originale et authentique de son concepteur. L’homo spiritualis est également capable de réaliser des actes gratuits, qui peuvent aller à l’encontre de ses intérêts à la fois matériels et sociaux.

L’homo Spiritualis est donc à la recherche d’un certain accomplissement, il a besoin de se réaliser, de suivre le chemin qu’il s’est donné, de vivre selon ses valeurs… La société n’est qu’un avantage dans la mesure ou la confrontation avec d’autres homos spiritualis lui permettra de s’approcher plus facilement de ses points d’Absolu.

A l’extrême, il est capable de se désintéresser, voire de négliger complètement ses besoins matériels et sociaux. Il ne cherche pas à avoir de prise sur la nature et sur ses semblables.

Tandis que l’homo économicus se confronte à la nature, que l’homo socialis se confronte à la société, l’homo Spiritualis ne se confronte qu’à son reflet dans la glace.

Qui est donc l’homme économique ?

Si l’économie traite les actions réelles d’hommes réels, il n’y a pas de décisions économiques, il n’y a pas d’homo économicus, il n’y a que des décisions humaines qui s’appliquent aussi bien pour l’économie que pour n’importe quel type de décision que peuvent prendre les humains.

L’être humain est à la fois homo economicus, homo Socialis, et homo Spiritualis. Son regard est aussi bien porté sur la satisfaction de ses besoins matériels, ses besoins sociaux et ses besoins éthiques.  Cette cohabitation entre des besoins différents, parfois antagonistes est loin d’être toujours sereine et peut mener à des dilemmes inconciliables ou des situations difficiles : « J’ai choisi ce boulot, il paie bien et me permet de nourrir ma famille, mais il est mal vu et il ne me permet pas de développer mes aptitudes naturelles ni de vivre en harmonie avec mes valeurs. » Ou bien « J’aime mon activité de blogueur, elle me permet de réfléchir, de rencontrer des gens intéressants et éventuellement de briller lors de diners mondains, mais ça ne m’aide pas vraiment à rembourser mon emprunt »

Les choix économiques sont motivés par ces trois dimensions, lorsque l’on choisit ce pull-over, on le choisit aussi bien pour ses propriétés utilitaires, pour l’estime, la reconnaissance qu’il pourra nous apporter et pour la charge esthétique et éthique qu’il contient.

Le produit véhicule des messages et des valeurs, qui s’achètent au même titre que ses propriétés utilitaires.

Certains seront plus sensibles au rapport utilité/prix, d’autres seront prêt à lâcher un pactole pour épater ses voisins, d’autres encore cèderont au coup de foudre d’un produit qui pourra lui permettre de vivre au plus près de ses valeurs et de ses goûts, mais, si le dosage peut différer, chacun d’entre nous prendra ces trois facteurs en compte dans la décision finale.

De même, lorsque l’on produit, que l’on fabrique quelque chose, la motivation n’est pas seulement de maximiser le profit que l’on pourra tirer de notre production. La conception et la fabrication d’un bel objet, d’un service intelligent destiné à rendre service à d’autres procure une satisfaction qui est une fin en elle-même et peut apporter l’estime de la société pour ceux qui ont su concevoir un tel produit.

Homos; Faites la paix !

On serait tenté de voir l’Homo Spiritus comme le héros vertueux se faisant tirer vers le bas par ses frères galeux; l’Homo Economicus, un sale mec égoïste et borné et l’Homo Socialis, un vil flambeur superficiel.

Ce serait là une erreur grossière ! Les besoins matériels humains sont réels de même que les besoins sociaux et il serait idiot de les négliger sous prétexte que nos motivations matérielles soient vulgaires et nos besoins sociaux soient superficiels ! Un homo Spiritualis pur qui mépriserait d’office ses besoins physiologiques ou ses besoins sociaux sombrera le plus souvent dans l’aigreur, la misère, le mépris et l’impuissance. Il existe des connexions évidentes entre les trois profils. Se confronter au réel et à la société permet de forger des valeurs pour l’homo Spiritualis, connaitre les moeurs d’une société permet d’augmenter ses revenus pour l’homo Economicus etc…

Don Quichette

Plutôt que de chercher à savoir si l’homme est ou doit être l’un de ces trois profils, il faudrait surtout tendre à harmoniser nos vies pour que ces variables n’entrent pas en contradiction mais au contraire, tendent vers le même but. Il me semble idiot de cloisonner sa vie en périodes: durant ma journée de travail, j’endosse mon costume d’homo economicus, le soir auprès de mes amis, je satisfais ma soif de reconnaissance et le weekend, je participe à des soupes populaires pour être au plus proche de mes valeurs… Cela ne fera pas de moi un homme complet, cela me transformera simplement en Homo Skizophrénus !

Vu sous ces angles nouveaux, nous pouvons reprendre la phrase de Smith et la remanier d’une manière qui parait plus vraisemblable:

Ce n’est pas SEULEMENT de la bienveillance du boucher, du marchand de bière et du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais également du soin qu’ils apportent à leurs intérêts et à leurs réputations … Nous nous adressons à leur humanité, à leur vanité et à leur égoïsme.

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L’économie du partage face au modèle économique dominant http://www.mutinerie.org/leconomie-du-partage-face-au-modele-economique-dominant/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=leconomie-du-partage-face-au-modele-economique-dominant http://www.mutinerie.org/leconomie-du-partage-face-au-modele-economique-dominant/#comments Wed, 07 Sep 2011 07:45:22 +0000 William http://www.mutinerie.org/?p=3185 Quelles sont les principales différences entre l'économie du Partage et le système économique que nous connaissons tous ? Petite analyse mutine ...

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Il faut parfois savoir revenir aux fondamentaux. Particulièrement dans les périodes de crises structurelles comme celles que nous traversons aujourd’hui et qui remettent directement en cause les bases mêmes de nos économies. Nous ne pourrons pas comprendre ce que signifie économie du partage si l’on ne se demande pas d’abord ce que le mot « économie » veut vraiment dire. Je m’en tiendrai à la définition de Wikipédia qui me paraît être assez juste et inspirante :

L’économie est l’activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l’échange et la consommation de biens et de services.

Si l’on s’intéresse aux modifications structurelles que l’on doit apporter à nos économies, il faut se poser des questions telles que :

  • Comment produit-t-on ? Existe-t-il d’autres façons de produire ?
  • De quelles manières sont distribués les biens et services produits ? N’existe-t-il pas d’autres voies ?
  • Pourquoi et comment les agents économiques échangent-t-ils entre eux ? Pourrait-il en être autrement ?
  • Quelle est notre manière de consommer ? Est-t-elle optimale ?

Je me suis demandé si nous pouvions comparer point par point le modèle économique dominant issu des théories classiques avec l’économie du Partage, modèle émergeant et prometteur mais qui doit encore prouver sa validité. Le graphique ci-dessus est le résultat de cet exercice. Ce qui suit explicite et détaille les differences entre les deux modèles.

1-Production

Dans le système économique dominant la production est planifiée, organisée et structurée par des agents économiques clairement identifiés; les entreprises, s’organisant de plus souvent de manière hiérarchisée et  pyramidale. Les producteurs cherchent à augmenter leur compétitivité au moyen d’économies d’échelles rendues possibles par la standardisation et la division du travail. On pense à la manufacture d’épingles d’Adam Smith. Les biens et les services produits par les entreprises sont protégés par des brevets et des licences qui leur garantissent l’exclusivité sur leurs productions et qui sont censées valoriser les innovations qu’elles ont crées et portées de l’idée jusqu’au produit.

Dans l’économie du Partage, il n’est pas toujours évident de distinguer clairement un acteur unique qui accompagne le produit de la conception à la vente. Tel produit peut avoir été dessiné par un anonyme, mis en ligne gratuitement et de manière ouverte par ce dernier, exploité par un autre à des fins commerciales et diffusé ensuite de manière virale par la communauté internet. OWNI a récemment publié un article sur l’incroyable dissémination d’une simple photo mise en ligne sur FlickR et qui s’est retrouvée imprimée à des milliers d’exemplaires sur des tee-shirts, des couvertures d’albums ou même des tatouages… Le processus de création s’est considérablement ouvert. Dès lors, on comprend aisément, que les règles légales liées à la propriété intellectuelle et à la responsabilité du producteur volent en éclats. La création et l’innovation en open source opèrent de manière organique. Chacun est libre de rajouter une pierre à la somme existante, la cohérence de l’édifice est assurée par des plateformes intelligentes et des mécanismes de filtrages organiques capable de faire émerger les créations à plus forte valeur ajoutée. Wikipédia en est un exemple frappant.

Mais si le processus de création Open Source est d’abord né sur Internet et concerne avant tout la production intellectuelle et culturelle, il commence à se répandre aux biens concrets. Il existe déjà des moyens de participer à la construction d’une voiture conçue en open source comme il est possible de fabriquer soit-même des engins agricoles à des prix très nettement en dessous de ceux du marché en suivant les plans d’un agriculteur très collaboratif.

2-Distribution

Dans le système économique dominant, la distribution s’organise selon un modèle « top-down », de l’usine du producteur à la poche du consommateur en passant par une série d’intermédiaires; grossistes, semi-grossistes, détaillants … Par conséquent, les circuits de distribution sont longs et souvent peu écologiques. Des pièces conçues aux USA vont être fabriquées en Chine et en Indonésie, assemblées en Roumanie pour être consommées en France.

Les producteurs; un relativement faible nombre d’entreprises s’adressent à la multitude des consommateurs isolés les uns des autres. C’est un schéma few-to-many.

Dans l’économie du Partage, le nombre d’intermédiaire tend à diminuer considérablement. Les nouveaux moyens d’information et de communication ont permis l’instauration d’un dialogue « many-to-many » tel que l’avait prophétisé Isaac Asimov. Le développement de modes de distribution plus horizontaux – tel que le Peer-to-Peer - est une conséquence de ce phénomène mais il est loin d’être isolé et n’est pas cantonné à l’échange de produits dématérialisés; Ebay, Craigslist, AirBnB, Couchsurfing ou Supermarmitte sont autant d’exemples de plateformes de distribution fonctionnant selon un schéma many-to-many. Les produits agricoles ne sont pas en reste; des initiatives comme les AMAP et La Ruche qui dit Oui visent à raccourcir les circuits de distribution en garantissant des prix avantageux pour les producteurs sans pénaliser les consommateurs.

3-Echange

Dans le système économique dominant, les échanges sont caractérisés par une recherche permanente d’équivalence, on attend pour chaque produit fourni, pour chaque service rendu, une contrepartie immédiate d’un niveau égal à la prestation. Pour réaliser l’équivalence et faciliter la mesure de la contrepartie, on fait appel à la monnaie comme intermédiaire des échanges. L’économie classique a permis de multiplier les échanges entre individus n’ayant pas forcément confiance les uns envers les autres dès lors que la rétribution apportée pouvait être jugée fiable et solide. Elle a permis aux échanges de quitter la sphère locale et d’offrir un cadre mondial aux échanges commerciaux. Pour cela elle s’est appuyée sur des monnaies (solides et stables) et sur des lois contractuelles (pouvant palier aux déficiences).

Dans l’économie du Partage, l’équivalence immédiate n’est pas toujours recherchée. Sous de nombreux aspects, les comportements d’échange qui se retrouvent dans l’économie du partage ressemblent à la « Logique don et contre don« .  Loin d’être un système naïf issu de l’idéalisme de certains exaltés, ce mode de transaction a pu être remis en service grâce aux avancées numériques. Internet nous montre en temps réel les bienfaits et les bénéfices mutuels que nous pouvons retirer de la logique « don et contre don » et donne une visibilité à ceux qui adoptent ce comportement. Sur CouchSurfing par exemple, si j’ai accueilli de nombreux membres et qu’ils m’ont laissé des commentaires positifs, je serais considéré comme un partenaire digne de confiance et il me sera nettement plus facile de trouver de bonnes conditions d’accueil lors de mon prochain déplacement. La toile, en offrant une visibilité aux contributeurs de bonne volonté est ainsi constituée de millions de communautés qui fonctionnent sur ces principes collaboratifs.

Or, là où les communautés apparaissent, là où les membres peuvent se faire confiance et compter l’un sur l’autre, le rôle de la monnaie et des lois diminue. C’est un phénomène auquel nous pourrons nous attendre dans les prochaines années, particulièrement en ces périodes troublées où la confiance dans notre système monétaire est ébranlée.

4-Consommation

Dans le système économique dominant historiquement conçu à une époque où les ressources étaient rares et où les moyens de communication restaient limités, les notions de possession et de consommation se confondaient bien souvent; avant de consommer, il fallait posséder. Comme il était difficile de faire correspondre les besoins ponctuels avec les ressources permettant d’y répondre, il était nécessaire d’avoir autour de soit tout ce qu’il faut pour faire face aux éventualités.

Dans l’économie du Partage, l’âge de l’accès annoncé par Jérémie Rifkin il y a une dizaine d’années est  en passe de devenir une réalité tangible. « D’ici à 25 ans, l’idée même de propriété paraîtra singulièrement limitée, voire complètement démodée » annonçait-il. « C’est de l’accès plus que de la propriété que dépendra désormais notre statut social. » Le développement de la mobilité partagée est une illustration de ce phénomène. L’accès prime sur la possession. Voici sans doute LE concept clé sur lequel repose la consommation collaborative. Ainsi, lorsque l’on sait qu’une voiture fonctionne en moyenne une heure par jour, ne serait-il pas plus efficace, moins couteux et plus intelligent d’en répartir l’usage entre plusieurs individus qui auraient besoin d’un véhicule à des moments différents ? Le développement phénoménal des moyens de communication, permettant à chacun d’interagir avec chacun de n’importe où et d’une manière instantanée rend possible cette meilleure allocation des ressources. C’est peut-être là que reposent les principaux gisements de progrès pour nos économies.

David et Goliath

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Les nouvelles règles de la concurrence http://www.mutinerie.org/nouvelles-regles-concurrence/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=nouvelles-regles-concurrence http://www.mutinerie.org/nouvelles-regles-concurrence/#comments Tue, 29 Mar 2011 10:56:38 +0000 Antoine van den Broek http://www.mutinerie.org/?p=1556 La révolution digitale change tout. Penchons nous aujourd'hui sur le modèle de la concurrence pure et parfaite.

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Certains d’entre vous sont peut-être déjà familiers du concept de concurrence pure et parfaite. Il forme le socle de la théorie économique néoclassique. Il me semble intéressant d’y jeter un œil à la lumière de la révolution technologique d’aujourd’hui. Après La nouvelle main invisible, deuxième petit dépoussiérage théorique.

Cet article s’appuie sur la définition de la concurrence pure et parfaite que donne Wikipedia. Le texte issu de Wikipedia est en italique.

Les conditions de la concurrence pure ont été explicitées par Frank Knight en 1921. La formalisation des conditions de concurrence parfaite a été récompensé d’un prix d’économie en l’honneur d’Alfred Nobel en 1983 à Kenneth Arrow, et Gérard Debreu qui ont utilisé les travaux de Lionel W. McKenzie. La concurrence pure et parfaite représente un des deux cas extrêmes de structures de marché étudiés par les économistes néoclassiques, le second étant le cas de monopole. La concurrence pure et parfaite est censée permettre l’équilibre sur tous les marchés sous des conditions suffisantes très particulières.

Un marché de concurrence pure et parfaite est un marché qui satisfait 5 conditions : atomicité du marché, homogénéité des produits, transparence du marché, libre entrée et libre sortie, libre circulation des facteurs de production.

L’atomicité

Le nombre d’acheteurs et de vendeurs est très grand donc l’offre ou la demande de chaque agent est négligeable par rapport à l’offre totale; aucun agent ne peut fixer les prix. Cette hypothèse exclut notamment la possibilité de rendements croissants à la production, dans la mesure où ils conduisent à la formation de monopoles naturels, pourtant possibles en pratique.

Avant: Si l’on se place au niveau du consommateur final, les conditions sont réunies : leur nombre est très grand et l’impact de chaque agent sur les prix du marché est négligeable. En revanche, au niveau de l’offre, (et de la demande dans des relations B2B) la condition n’est pas vérifiée. Le marché est constitué d’un nombre limité d’entreprises aux poids inégaux. Il est plus ou moins efficient en fonction des contraintes du secteur (forte contrainte capitalistique ou réglementaire), des régulations en place et de l’évolution des rapports de force. Les possibilités d’ententes (oligopoles cachés) et de lobbying constituent un obstacle de fait à l’atomicité réelle du marché.

Après: La logique du peer to peer, en permettant à n’importe qui d’échanger avec le monde entier vient changer la donne. Pour approfondir ce sujet,  je vous recommande les travaux de la P2P Foundation qui propose une approche holistique originale du phénomène. De plus en plus, la confrontation offre/demande se fait au niveau de l’individu à la fois consommateur et producteur. L’atome c’est chacun d’entre nous ; difficile d’imaginer une atomicité plus parfaite. Cette nouvelle structure de marché permet l’émergence de modèles économiques alternatifs comme l’explique Antonin Léonard dans un article consacré à l’économie collaborative. Par ailleurs, les ententes et le lobbying deviennent plus difficiles et plus risqués dans un environnement de plus en plus transparent (voir le troisième point sur la transparence de l’information).

Remarque sur le cas épineux des rendements croissants : il devient encore plus problématique. Les biens immatériels sont moins soumis aux causes traditionnelles de rendements décroissants (cadencements difficile, gestion des déchets, stockage, transport). Pire, la valeur même de certaines sociétés réside précisément dans leur taille. Facebook pour sa capacité à interconnecter 700 millions de personnes, Google comme portail divin vers toutes les données du monde. Plus c’est gros mieux c’est. Le spectre du monopole ressurgi. Ce point mériterait que l’on y consacre une étude complète tant les enjeux sont importants. Parmi les pistes imaginables, ont pourrait envisager une nouvelle réglementation antitrust considérant qu’une entreprise en situation de monopole ou de quasi monopole  soit obligée de se conformer à un certains nombres d’obligations de service public. Plus sa part de marché augmente, plus elle se devrait d’être socialement responsable.

l’homogénéité des produits

Les biens échangés sont semblables en qualité et en caractéristiques, et donc interchangeables; un produit de meilleure qualité réelle ou supposée constitue donc un autre marché.

Avant: Il est difficile de connaître la qualité réelle d’un produit. Le marketing à l’ancienne – celui qui va du producteur au consommateur sans interaction – nuit à la lisibilité des caractéristiques objectives du produit. Dans un marché ou les consommateurs sont sans voix, la qualité perçue peut être éloignée de la qualité effective.

Après: Les interactions marques / consommateurs et consommateurs / consommateurs permettent une meilleure connaissance des produits. On a plus d’informations pratiques sur les produits et de nombreux comparateurs de prix. On peut donc préciser le modèle (pour le bien du consommateur final) en ne prenant en compte qu’un critère de qualité réelle lorsqu’il s’agit de segmenter le marché.

La transparence de l’information

L’information parfaite de tous les agents sur tous les autres et sur le bien échangé suppose une information gratuite et immédiate ; la théorie montre que le processus de fixation des prix est alors équivalent à la présence d’un « commissaire-priseur », qui centralise les offres et les demandes, et qui calcule le prix d’équilibre, et par conséquent la production et la consommation de chacun. On suppose l’absence d’échange de gré à gré.

Avant: Quand elle existe, l’information est compilée par des organismes spécialisés, souvent payante et rarement accessible directement. Les mauvaises pratiques et les malfaçons sont bien souvent cachées. Du fait d’asymétries d’informations on constate des écarts de prix importants et les agents les plus vulnérables sont facilement victimes d’escroqueries (immobilier, opérateurs téléphoniques, produits financiers).

Après: Il n’est pas nécessaire de s’étendre trop longtemps sur ce point tant il est évident. Combien de sociétés se sont fait épinglées après des fuites embarrassantes concernant des produits défectueux ou des pratiques scandaleuses ? Grace aux réseaux sociaux, aux blogs ou aux plateformes de video streaming l’information est disponible immédiatement et gratuitement par tous les agents. Des sites spécialisés permettent d’avoir accès directement à une multitudes de données et avis d’experts, des forums agrègent et hiérarchisent des informations qualitatives et des comparateurs de prix balaient et trient en dix secondes les prix proposés par tous les acteurs du marché.

Remarque concernant l’échange de gré à gré : on peut ici envisager un modèle où toutes les opérations de gré à gré sont systématiquement enregistrées, visibles par tous et consolidées participant ainsi naturellement au processus de fixation des prix.

La libre entrée et sortie sur le marché

Il ne doit y avoir aucune entrave tarifaire (protectionnisme), administrative (numerus clausus), technique à l’entrée d’un offreur ou d’un demandeur supplémentaire.

Avant: Le contrôle administratif est plus facile car une grande proportion de produits échangés sont matériels. Le fort besoin initial en capital nécessaire aux activités industrielles constitue une entrave à l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché.

Après: le protectionnisme devient plus difficile sur un marché mondial de biens immatériels. Les contraintes administratives sont de plus en plus combattues et souvent associées à de la censure par des consommateurs volontiers militants (guerre contre Hadopi, actions des Anonymous). Les entraves techniques à l’entrée d’un nouvel offreur diminuent elles aussi car la contrainte capitalistique est moins forte sur le web. La créativité, la rapidité, le réseau et le savoir-faire technique priment. Les technologies open source encouragent le partage des connaissances et des technologies et permettent justement de limiter au maximum toute entrave technique à l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché.

La libre circulation des facteurs de production (le capital et le travail)

La main-d’œuvre et les capitaux se dirigent spontanément vers les marchés où la demande est supérieure à l’offre ; il n’y a pas de délai ni de coût dans leur reconversion.

Avant: La mobilité des capitaux est une réalité dans de nombreux pays occidentaux depuis les années 80. Elle a été rendue possible pas des avancées technologiques, des innovations financières, des privatisations et une déréglementation des flux de capitaux dans un nombre croissant de pays. Dans le même temps, la mobilité des travailleurs a augmenté sous l’impulsion de politiques d’intégrations régionales (espace Schengen en Europe).

Après: La mobilité des capitaux demeure toujours très forte. On commence à voir émerger une nouvelle caste de travailleurs nomades dans le sillage de la révolution numérique. Les nouveaux moyens de communication (Skype, Facebook, Tumblr…) permettent de rester en contact avec ses proches et réduisent le sentiment d’isolement parfois lié à une expatriation. Les nombreux outils de travail collaboratifs (Wiki, Dropbox, Google Doc…) permettent la constitution d’équipes internationales agiles et efficaces. Au niveau individuel, la mobilité est de plus en plus envisagée non comme une contrainte mais comme une opportunité. Pour beaucoup, le travail n’est plus un lieu mais ce que l’on fait, dés lors nous pouvons choisir de le faire où bon nous semble. Des espaces de coworking présents sur tous les continents et interconnectés offrent aux travailleurs modernes un cadre idéal pour cela. Jamais la main d’oeuvre n’a été aussi mobile.

La révolution digitale donne un éclairage nouveau aux théories macro-économiques traditionnelles. La recherche académique ne semble pas encore avoir pris la mesure de ces changements majeurs. Si vous connaissez des projets de recherche innovants en la matière, n’hésitez pas à m’en faire part. Merci.

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