Mutinerie, libres ensemble - espace de coworking à Paris » coworking http://www.mutinerie.org Libres ensemble Wed, 22 Oct 2014 16:19:31 +0000 fr-FR hourly 1 Coworking et Permaculture http://www.mutinerie.org/coworking-et-permaculture/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=coworking-et-permaculture http://www.mutinerie.org/coworking-et-permaculture/#comments Tue, 21 Oct 2014 07:04:24 +0000 Eric http://www.mutinerie.org/?p=29070 En mettant les mains dans la terre, nous nous sommes rendus compte que les logiques de la permaculture ressemblait fortement à celles du coworking. Coïncidence ? Je ne crois pas...

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Vous le savez surement, mais Mutinerie a récemment lancé un espace de coworking / gite à la campagne: Mutinerie Village. Tant qu’à pouvoir travailler de n’importe où, pourquoi pas le faire entouré de verdure, forêts et rivières plutôt que de bétons, voitures et immeubles ? Ne faisant pas les choses à moitié, nous nous sommes mis en tête de mettre en place un potager en permaculture, l’idée étant, à terme, de viser une quasi-indépendance alimentaire puis énergétique au village. En nous penchant sur le sujet, nous avons été frappés des similitudes entre les logiques qui sous-tendent coworking et permaculture :

Potager de Mutinerie Village

La logique d’écosystème

A l’inverse de l’agriculture industrielle qui vise à augmenter la productivité par agriculteur via la mécanisation, la standardisation des semences et l’utilisation de produits chimiques et OGM, la permaculture raisonne en terme d’écosystèmes. Elle tente de recréer un « mini-monde » ou chaque plante ou insectes joue un rôle positif et est complémentaire avec les autres plantes.

Les pucerons peuvent par exemple être éliminés si vous parvenez à attirer dans votre potager des coccinelles qui en feront leurs repas. La permaculture refuse l’utilisation de semences « standards » qui placent les agriculteurs dans une dépendance face aux grands groupes et empêchent l’adaptation des plantes et espèces à leur environnement. Saviez-vous qu’il faut par exemple seulement deux générations aux graines pour adapter leur patrimoine génétique aux spécificités de leur sol ?

Au lieu de mettre en place d’énormes surfaces en monoculture, la permaculture va procéder par association judicieuses de plantes. Certaines enrichissant le sol en azote, seront placées à proximité de plantes qui en prélèvent en quantité. Certains types de plantes repoussant ou attirant certains types d’insectes seront stratégiquement réparties sur le potager, rendant inutile l’utilisation de quelconques produits chimiques.

Cette idée de complémentarité et de diversité est omniprésente dans les espaces de coworking. La pluridisciplinarité est par exemple un élément clé. Il ne s’agit pas ici de mettre les « experts » entre eux, mais plutôt de diversifier les compétences et personnalités.

Nous ne comptons aujourd’hui plus le nombre de collaborations entre coworkers. Allant du simple conseil à des contrats signés ensemble, elles sont quotidiennes. Cela ne veut pas dire qu’elles sont automatiques ! Elles ne sont pas un dû mais le résultat d’une certaine posture de la part des coworkers.

C’est l’un des paradoxes des espaces de coworking: la plus grande valeur qu’ils délivrent n’est pas « garantie ». Pourtant, statiquement, nous pouvons aujourd’hui affirmer que pour la grande majorité des coworkers, rejoindre Mutinerie fut un excellent investissement.

Le « design » de l’espace

Oui, la permaculture demande un vrai travail de design en amont ! L’idée est double: tirer au maximum parti des éléments constitutifs du terrain d’une part (topologie, composition du sol, exposition, présence d’eau…) afin de maximiser l’efficacité de la ferme, et minimiser le travail humain et les déplacements d’autre part. Les plantes demandant un entretien plus fréquent ou utilisées fréquemment dans la cuisine (plantes aromatiques par exemple) seront placées à proximité du lieu de vie.

Le créateur d’un espace de coworking de la même manière prend en compte ces contraintes lors du design de son espace.

D’abord il doit s’adapter à la « morphologie » de son espace. Il n’y a pas de recettes miracles pour designer un espace, d’autant que ceux-ci se localisent principalement dans des anciens lieux à réhabiliter (ancienne usine, commerces, fabriques…). Il faut donc composer avec ce que l’on a.

Le design prendra également en compte l’importance des différentes composantes de l’espace et tentera de maximiser les opportunités de rencontres et d’interactions tout en laissant la possibilité aux coworkers de s’isoler. A Mutinerie, la localisation de la zone café à l’entrée est par exemple primordiale. D’une part c’est un lieu souvent fréquenté, et d’autres part il créé une interaction entre les coworkers car avant de s’installer à leur poste, les coworkers doivent traverser cet espace vivant. Enfin le coworking sera conçu de façon à être efficace d’un point de vue purement opérationnel (rangements, stocks, événementiel etc…)

La pollinisation

Les paysans l’ont toujours su: la présence de pollinisateurs est essentielle ! Si l’on parle si souvent des abeilles, c’est que leur rôle est crucial dans la production agricole. L’exemple de Yann Moulier-Boutang dans son ouvrage « l’abeille et l’économiste » illustre bien le fonctionnement et l’importance de la pollinisation aussi bien dans l’agriculture que dans la société:

Le marché du miel dans le monde est un marché, d’environ 4 milliards d’euro, mais sans les abeilles, on estime que c’est 30% de la production agricole totale qui disparaitrait. Ce qui représenterait une perte de 1000 milliards d’Euro !

Que dirait-on d’une science économique qui, observant les abeilles ne voyait que le rendement en miel et oublierait presque totalement l’activité représentant l’essentiel de la valeur d’une ruche; la pollinisation ?

Cela ne vaudrait évidement pas grand chose. C’est pourtant comme cela qu’a été construite la science économique moderne et c’est cette mauvaise interprétation de la création de valeur qui amène a des situations écologiques aberrantes où des agriculteurs chinois doivent désormais polliniser leurs pommiers à la main…

La pollinisation est également cruciale dans les espaces de coworking et contribue largement à la valeur ajoutée de l’espace; échanges d’informations, de contacts, de compétences, créations de liens de confiance, entraide…

Chaque jour, les nombreuses interactions d’apparence aléatoires et chaotiques, contribuent à tisser un ensemble cohérent et utile à tous.

Copass, le réseau international d’espace de coworking permet de développer cette logique, cette fois pas seulement entre les coworkers mais entre les espaces de coworking et les communautés qui les peuplent afin de créer un sorte « d’écosystème entre écosystèmes »

La « durabilité »

Comme son nom l’indique, l’un des piliers de la permaculture et son aspect durable. Alors que l’agriculture industrielle et les engrais chimiques détruisent les sols en éradiquant les micro-organismes et autres vers de terre indispensables à la formation de l’humus, la permaculture enrichi en permanence la terre. Ainsi année après année, la terre devient de plus en plus riche et généreuse.

Le coworking applique ces mêmes logiques.

Plus une communauté existe depuis longtemps, plus elle a de valeur.

Au delà des coworkers, la communauté peut compter sur les « anciens », sur les connections faites lors des nombreux évènements qu’elle accueille, ainsi que sur des liens plus forts entre personnes car forgés sur le temps long. Ainsi l’espace deviendra de plus en plus efficace à mesure qu’il grandit.

Conclusion :

En somme, coworking et permaculture fonctionnent selon les même logiques. Ils s’adaptent à l’environnement plutôt que de tenter de le plier et de le standardiser. Ils valorisent la diversité et raisonnement en terme de complémentarité et d’écosystème plutôt que de fragmenter les tâches et professions. Ils maximisent l’occurrence des rencontres et des complémentarités. Ils ne tentent pas de tout contrôler mais savent créer les conditions propices à l’épanouissement.

Ce faisant, ils permettent la création de valeur de manière durable et respectueuse du vivant. Les logiques « industrielles » montrent aujourd’hui leurs limites. Elles épuisent les ressources, génèrent bien souvent des externalités négatives et ne sait prendre en compte toute la complexité des logiques du vivant, à la base de l’agriculture et des sociétés humaines.

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Résultats d’enquête; les effets de Mutinerie sur votre organisme http://www.mutinerie.org/resultats-denquete-les-effets-mutinerie-organisme-2/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=resultats-denquete-les-effets-mutinerie-organisme-2 http://www.mutinerie.org/resultats-denquete-les-effets-mutinerie-organisme-2/#comments Thu, 09 Oct 2014 08:38:44 +0000 William http://www.mutinerie.org/?p=29245 Mutinerie, ce n'est pas simplement un endroit où il fait bon vivre et travailler, c'est aussi un outil réellement efficace pour croitre et augmenter son volume d'activité. Notre étude auprès des coworkers nous permet de le confirmer, en chiffre.

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C’est toujours bon de récolter quelques données sur ce que l’on fait, surtout quand celles-ci montrent que nos convictions de départ n’étaient pas du Bullshit, que Mutinerie, ce n’est pas simplement un endroit où il fait bon vivre et travailler, c’est aussi un outil réellement efficace pour développer son business. On le dit depuis le début, on le sent clairement sur place, mais l’enquête que nous avons menée cet été auprès de 75 de nos coworkers nous le montre encore plus clairement. A la lecture des résultats, on peut voir que depuis qu’ils sont montés à bord, les coworkers ont connu un véritable upgrade :

Highlander boost

Plus concentrés :

D’abord, près de 70% des répondants se disent être réellement plus efficaces qu’ailleurs en terme de pure productivité.

Ce qui montre qu’à Mutinerie, il est plus facile qu’ailleurs d’enchainer de longues séances de travail focalisé dans le calme de la verrière sans souffrir du tumulte d’un open space classique ou d’un café ni des tentations du frigo ou de la télé de son appartement.

Plus connectés :

75% ont agrandi leur réseau professionnel depuis qu’il ont rejoint Mutinerie.

Cela signifie des opportunités nouvelles, des portes qui s’ouvrent et une caisse de résonance supérieure pour ses projets.

Plus malins :

Etre à Mutinerie permet d’augmenter ses compétences et de recevoir de bonnes idées.

Les deux tiers des coworkers ont déjà assisté à un cours de Mutinerie School et la moitié dit avoir reçu de bonnes idées qu’ils ont pu implémenter dans leur activité.

Plus balèzes :

Dernière et autre excellente nouvelle de notre enquête est que deux tiers des coworkers ont déjà fait au moins un partenariat (client, associé, employé) avec d’autres coworkers depuis qu’ils ont rejoint Mutinerie.

Il s’agit d’échanges et de transactions bien réelles, sonnants et parfois même trébuchants !

Et puis, en guise de supplément chocolat, l’enquête nous révéla que 10% des coworkers ont déjà trouvé l’amour à Mutinerie…

 

 

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Un mutin au UnMonastery, récit de coworking au pays des Edgeryders http://www.mutinerie.org/edgeryders-unmonastery-coworking/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=edgeryders-unmonastery-coworking http://www.mutinerie.org/edgeryders-unmonastery-coworking/#comments Mon, 11 Nov 2013 23:16:54 +0000 Maître Boucanier http://www.mutinerie.org/?p=27455 La communauté d'innovateurs sociaux Edgeryders se rassemblait deux semaines plus tôt au UnMonastery (Matera, Italie), un lieu d'un genre nouveau. Aussi je m'y suis rendu dans l’idée de rencontrer mes pairs et vivre cette expérience de travail collaboratif.

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Quand les innovateurs sociaux se retrouvent

LOTE (Living On The Edge) est un rassemblement d’Edgeryders, une communauté en ligne dont les membres sont des innovateurs sociaux de tous poils, en provenance des quatre coins de l’Europe. Sans chercher à décrire précisément l’état d’esprit, vous aurez déjà compris à son nom de baptême que cette communauté sent l’innovation sociale et le hacking à plein nez. Qui plus est, comme William le présumait dans son article à propos du Monastère, ce thème ici incarné par UnMonastery a bel et bien un pouvoir d’attraction. Pas étonnant évidemment d’y retrouver Deskmag (webzine spécialisé du coworking), Ouishare (communauté, think tank, do tank de l’économie du partage), Francesco et Mutinerie, alléchés par cette initiative.

Aussi je me suis rendu à Matera pour LOTE#3 dans l’idée de rencontrer mes pairs, participer au design du UnMonastery et vivre cette expérience de travail collaboratif.

Matera from UnMonastery

Cette semaine s’est déroulée pour l’essentiel dans un format non conférence digne de toute non organisation. Rien de plus naturel dans un non monastère, n’est-ce pas ? Venus volontairement et par nos propres moyens à ce rassemblement, nous venions contribuer à quelque chose dont nous avions une appropriation très partielle et personnelle, d’abord portés par des ambitions sociales et l’envie de nous rencontrer hors ligne.

Un programme avait été collectivement établi en ligne en amont de LOTE. Compte tenu des différents niveaux de connaissance du projet et du fait que très peu d’entre nous se connaissaient déjà, les temps du programme ont surtout été des déclencheurs d’échanges. Au-delà de cette partie visible de l’iceberg, la semaine a surtout été ponctuée d’une multitude de moments, souvent en plus petit comité, autour d’un café, d’un repas, ou encore en marchant dans les rues de Matera. Laissant ainsi la part belle à la sérendipité, nous avons pu faire connaissance les uns avec les autres, et contribuer chacun à notre façon.

Pérégrinations d’un Mutin moine

Ainsi, alors que certains d’entre nous ont travaillé sur le design architectural de l’espace ou sur les outils de collaboration en ligne, j’ai pour ma part surtout choisi d’arpenter les rues de Matera pour m’imprégner de son ambiance et saisir les opportunités de rencontrer les habitants. J’ai eu la chance d’être chaleureusement accueilli par un couchsurfer inspiré et ayant grandi à Matera. De fil en aiguille et grâce à mon ami Pietro qui a fait l’office d’un guide hors pair, j’ai provoqué quelques authentiques vibrations dans les murs du UnMonastery: à deux reprises des musiciens sont venus partager leur musique au pied levé. Les premiers ont offert au UnMonks leurs premiers pas de danse sur des airs de musique traditionnelle. La deuxième fois, un récital de chansons inspirées nous a été donné par Francesco, rencontré par hasard la veille dans la pampa, jouant de sa guitare et lisant un livre surprenant… Et pour ceux qui comprennent l’italien, ses chansons valent le détour…

Etica hacker

Un monastère d’innovation sociale

En plus de ces expériences musicales, cette semaine de travail collaboratif aura permis d’affiner le contour du projet UnMonastery dont je vous livre ma synthèse ici.

Alors que LOTE#3 s’est déroulée sur une semaine, UnMonastery est une expérimentation plus longue de cette nouvelle façon de travailler. Dans sa version actuelle, UnMonastery propose des résidences allant jusqu’à 4 mois pour les innovateurs, entre février et mai 2014 (postuler). Les résidents seront nourris, logés et bénéficieront d’un forfait d’environ 400€ par mois pour travailler sur leur projet. La contrepartie étant que les projets menés fassent écho aux problématiques sociales que rencontre le territoire de Matera.

UnMonastery est un dispositif de lieu éphémère qui s’apparente à une mission de conseil mettant en jeu une méthodologie très innovante

UnMonastery peut ainsi être répliqué et décliné ailleurs, et par quiconque. Dans le cas présent, à Matera, l’opération est financée par cette ville de 60 000 habitants, et coïncide avec son ambition de devenir capitale européenne de la culture en 2019. De ce que j’ai pu entendre, le coût de l’opération, hors travaux d’aménagement de l’espace, serait de 36 000 euros.

LOTE comme UnMonastery rassemblent ponctuellement des travailleurs indépendants et connectés dans le but de travailler sur un projet donné: Edgeryders a définitivement des allures d’organisation agile. Coïncidence intéressante et amusante, j’écris ces lignes depuis Barcelone où se déroule la 4ème Conférence Européeenne du coworking.  A coups de non-conférences et d’échanges informels, nous y fomentons d’ailleurs le passage du coworking au niveau supérieur, le « coworking global »…

A Matera comme à Barcelone, le constat est clair: le monde du travail change.

Les Edgeryders sont-ils des cousins des Anonymous ?

Dans ce contexte propice aux réflexions, une autre source d’inspiration vient me chatouiller les neurones. L’absence de définition claire d’Edgeryders, la nature des liens existants entre ses membres et leurs modalités d’intervention me rappellent singulièrement les traits des Anonymous. Au final, ces deux « organisations ouvertes » (ou plutôt non-organisations) apparaissent comme deux manifestations d’un même phénomène plus profond, sur des terrains de jeux différents. Ce dont il s’agit ici est évidemment la transformation de nos sociétés s’opérant dans le sillage d’Internet.

Anonymous

Les communautés Anonymous et Edgeryders partagent les mêmes valeurs citoyennes, une volonté d’agir, une maîtrise des technologies de l’information, et la conviction de pouvoir faire pencher la balance à travers des actions collectives. Sans prétendre à distinguer dogmatiquement ces communautés l’une de l’autre, disons que là où un Anonymous est d’abord un citoyen technophile agissant surtout online, un Edgeryder est un travailleur ultraconnecté portant son engagement à travers ses activités professionnelles. Evidemment, nous pouvons être les deux à la fois…

Ce qui retient mon attention, c’est qu’Anonymous et Edgeryders sont des organisations ouvertes qui recourent aux mêmes modes d’interactions entres pairs. Et, en observant l’histoire des Anonymous, c’est la potentialité d’Edgeryders qui m’interpelle : imaginons une telle organisation agile d’individus mutualisant savoirs-faire et réseaux professionnels au service de l’innovation sociale…

Anonymous are legion, let’s be legions of Edgeryders

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Travail numérique, travail paysan, même combat ? http://www.mutinerie.org/travail-numerique-travail-paysan-meme-combat/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=travail-numerique-travail-paysan-meme-combat http://www.mutinerie.org/travail-numerique-travail-paysan-meme-combat/#comments Sun, 27 Oct 2013 09:33:16 +0000 William http://www.mutinerie.org/?p=27330 A l'heure ou Mutinerie se prépare à l'exode urbain, on s'aperçoit que l'organisation du travail numérique et l'organisation rurale traditionnelle se ressemblent étrangement. L'organisation rurale peut-elle être un modèle pour les travailleurs de l'économie numérique ? Et l'économie numérique ne réhabilite-elle pas certaines logiques dominantes avant la révolution industrielle ? C'est ce qu'on va voir ...

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Le travailleur du XXI ème siècle est-il en train de revenir, sans s’en apercevoir au mode d’organisation du travail paysan traditionnel ? Cette question peut paraitre saugrenue de prime abord tant l’image du développeur devant son ordinateur peut paraitre éloignée de celle du paysan. Mais pourtant, si l’on va au delà des outils et des supports, on s’aperçoit qu’au delà de la nature des tâches effectuées; les modes d’organisation ne sont pas si différents.

Dans l’économie numérique, on parle de pollinisation, d’écosystème, de viralité … Autant de termes empruntés aux logiques biologiques. Et ce n’est pas complètement un hasard. Les logiques biologiques inhérentes à la production agricole se retrouvent dans l’économie numérique et impliquent des méthodes de production sans doute plus proches entre elles que de celles héritées de l’âge industriel.

Voici à mon sens, les principaux points communs entre le travail agricole et le travail numérique :

Des systèmes complexes 

Le travail industriel manipule essentiellement de la matière inerte (charbon, métal, béton etc.) soumise à des lois strictes et invariables, les lois de la physique, de la résistance des matériaux … En terme d’organisation, des lois invariables permettent de construire des modèles fiables et optimisés et autorise donc un travail standardisé aux horaires fixes et aux procédures rigoureuses. C’est ainsi que l’on a pu écrire des formules affirmant que la production était la résultante d’une certaine combinaison entre le travail et le capital, chose qui ne s’applique correctement ni à l’économie agricole traditionnelle, ni à l’économie numérique.

Portés par ces croyances héritées du succès dans nos méthodes industrielles, nous avons commencé à les appliquer dans l’agriculture. Le problème, c’est que l’agriculture travaille à partir du vivant, soumis à d’autres lois. Car le vivant, attrape des maladies, craint les averses de grêle et interagit avec d’autres êtres vivants. Le vivant est en interaction constante avec son environnement, qui le modifie et qu’il peut lui-même modifier.

Autrement dit, manipuler du vivant c’est manipuler un système complexe, et la création de valeur dans un système complexe fonctionne de manière radicalement différente.

Qui dit système complexe dit absence de rétroaction systématique, de capacité à prévoir, à généraliser ou à systématiser car le nombre d’acteurs en interaction est trop grand et leurs liens sont trop enchevêtrés. Ainsi, selon Wikipédia une réaction chimique, comme la dissolution d’un grain de sucre dans du café, est simple car on connaît à l’avance le résultat : quelques équations permettent non seulement de décrire les processus d’évolution, mais les états futurs ou final du système. Il n’est pas nécessaire d’assister au phénomène concret ou de réaliser une expérience pour savoir ce qui va en résulter en réalité. Au contraire, les cellules nerveuses de notre cerveau, une colonie de fourmis ou les agents qui peuplent un marché économique sont autant de systèmes complexes car le seul moyen de connaître l’évolution du système est de faire l’expérience, éventuellement sur un modèle réduit.

Organisation par écosystème

La seule approche valable dans un système complexe est holisitique, puisque la somme de l’ensemble ne peut être réduite à l’addition des éléments qui le compose.

On ne peut appréhender un élément que dans son écosystème, c’est à dire en tenant compte dès le départ de ses interactions avec les autres agents.

L’économie rurale traditionnelle intègre cette logique. Les parties non consommées du blé font du foin pour le bétail, dont les déjections font ensuite de l’engrais pour les récoltes. les ruches à proximité des vergers aident les arbres à produire plus de fruit tout en produisant du miel. Les habitants s’aident mutuellement pour les récoltes, les paysans échangent leur outils et mutualisent les ressources. La clé du succès agricole n’est pas seulement dans la capacité de travail ou la rigueur de l’organisation de son entreprise mais également dans la richesse de l’environnement alentour. L’entité exploitation agricole ne se distingue pas entièrement de son environnement et ne peut être vraiment analysé sans lui. L’économie rurale traditionnelle est donc une économie circulaire et collaborative comme le devient de plus en plus l’économie numérique.

Que se soit la Silicon Valley, la scène berlinoise ou les autres lieux réputés féconds sur les domaines de l’économie numérique, on retrouve cette logique d’écosystème où le succès d’un agent s’explique largement par la richesse du terreau qui lui a permis de naitre et de grandir.

Capacité d’observation, disponibilité et sérendipité

Le paysan, comme le designer web savent parfaitement que la productivité n’est pas linéaire. On aura beau être le plus rapide du monde pour semer, pour récolter. Si l’on n’est pas présent au moment où la sécheresse s’installe ou lorsque la grêle s’abat sur les récoltes, la production finale sera en partie détruite. De même s’il n’observe pas à temps l’arrivée de parasites ou de maladies.

Ainsi, pour le paysan, la productivité est liée à une forme de disponibilité et de vigilance dans des moments aussi importants qu’imprévus plus qu’à une capacité d’exécution stakanoviste.

Le designer, à la recherche de l’idée brillante pour repenser l’expérience utilisateur d’un service en ligne sait que celle-ci pourra surgir lors d’une discussion anodine ou en observant le fonctionnement de son restaurant d’à coté… Il en va de même pour des pans entiers du travail numérique dans lequel la créativité, la veille, la disponibilité  et la capacité à saisir des opportunités nées de l’environnement sont indispensables.

Polyvalence et indépendance 

Comme le travailleur numérique, le paysan traditionnel est la plupart du temps indépendant et polyvalent. il travaille « en mode projet » sur des missions souvent différentes. le bricolage d’une clôture n’a rien à voir avec l’entretien de ses vignes ou la vente de ses produits sur le marché et pourtant, toutes ces tâches sont essentielles à la réalisation du projet central.

Ils sont des « hommes-projets » et non pas des « hommes-fonctions » ce qui implique une grande polyvalence et un art consommé de la démerde.

Esprit de Bidouille

Dans l’économie numérique, beaucoup s’extasient régulièrement sur le Lean et les principes de cycles courts d’essais, d’implémentation et de pivot. On met en avant l’esprit de bidouille des travailleurs du numérique, du développeur, du hacker mais ces logiques se retrouvent déjà depuis des siècles dans l’agriculture où l’on fonctionne par test et implémentations successives. Cette terre parait bonne pour les asperges ? essayons à petite échelle et voyons si cette hypothèse est validée. Cette variété me parait plus adaptée à mon environnement ? testons-la…

L’esprit de bidouille est une qualité majeure pour évoluer plus aisément dans un système complexe dans lequel l’expérimentation est la clé de la compréhension.

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Le futur du coworking http://www.mutinerie.org/futur-du-coworking/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=futur-du-coworking http://www.mutinerie.org/futur-du-coworking/#comments Sat, 14 Sep 2013 13:37:14 +0000 William http://www.mutinerie.org/?p=27174 Le futur du coworking n'est pas écrit, mais nous voyons se dégager quelques tendances de structuration du mouvement. A l'heure où le mouvement commence à devenir une tendance massive, les pionniers se demandent quelle sera la prochaine étape, les entreprises traditionnelles cherchent à lancer leurs propres initiatives et les pouvoirs publics suivent le mouvement de près. A quoi ressemblera le coworking dans cinq ans ? Mutinerie vous livre son point de vue.

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On le sent, on le voit ; le coworking commence à sortir de l’ombre pour devenir une solution viable  et clairement identifiée auprès des entrepreneurs et des freelances des pays occidentaux. L’histoire du coworking est déjà riche et le mouvement commence à sortir de la marge d’où il est apparu.

 La preuve du concept a été faite. Ceux qui ont essayé le coworking ont compris l’immense valeur qui y réside et ceux qui observaient la tendance, en embuscade, sont prêts à se lancer dans l’aventure.

Mais dans le même temps, les espaces existants cherchent encore à valider un modèle économique. Les espaces les mieux établis se demandent quant à eux quelle sera la prochaine étape. Ouvrir d’autres espaces en leur nom ou via un réseau de franchises ? Partir en quête d’un local plus grand ? Développer des services pour la communauté ? Comment et où trouver l’argent qui financera la croissance ?

Aucune réponse n’est évidente mais puisque Mutinerie a le nez dans toutes  ces questions, j’ai pensé faire part ici de nos réflexions. La principale difficulté à mon sens, c’est de savoir dans quelle mesure le coworking, centrée sur la communauté et non sur le lieu, peut-il être réplicable. Chaque communauté possède son alchimie propre ; résultat du mélange unique des individus qui peuplent l’espace. Cette alchimie devient rapidement l’identité du lieu, puis de la marque toute entière. Chaque espace est ainsi unique et donc difficilement réplicable ou du moins, elle ne se réplique pas comme une chaine de fast food.

Pour savoir où aller, il n’existe que peu de précédents. Ceux que Mutinerie est allé dégotter se situent le plus souvent à d’autres époques et dans d’autres contextes. Que l’on parle des monastères, des Kibboutzim, des ateliers d’artistes ou des coopératives ouvrières du XIXème siècle, on reste dans des contextes différents de notre étrange XXIième siècle.  Malgré l’inspiration précieuse que l’on a pu puiser chez nos aïeux, il faudra essentiellement miser sur notre discernement et la confiance que nous avons dans les changements majeurs à l’œuvre dans notre époque.

Pour y voir plus clair, voici quelques hypothèses de l’évolution du coworking pour les prochaines années.

Evidemment, celles-ci sont volontairement extrêmes et la réalité ressemblera plus à une hybridation des genres qu’à une orientation de tout le mouvement vers un seul modèle. Cela dit, l’exercice a le mérite de souligner les forces structurantes qui travaillent le mouvement du coworking en France et dans le monde.

1. La Stratégie Starbucks

Dans cette configuration, le marché du coworking a fait ses preuves. Les acteurs plus traditionnels types Google, Bouygues, Cisco, Orange, s’y intéressent. Ils se lancent dans le bain et ouvrent un grand nombre d’espaces plus froids mais fonctionnels à proximité d’espaces existants et cassent les prix. Les espaces historiques ne peuvent s’aligner et les acteurs majeurs qui peuvent assumer ce déficit de trésorerie sur trois ans finissent par l’emporter.

2.La fusion entre les entreprises et le coworking

Les entreprises traditionnelles luttent. Elles n’innovent pas assez vite, les marges s’affaiblissent, les talents partent. Elles se retrouvent avec des biens immobiliers en surplus. Elles savent que les logiques coworking sont porteuses d’innovation. Elles décident donc d’allouer une partie de leurs locaux à des indépendants de passage de manière gratuite. Le coworking devient une extension logique d’une entreprise et permet de fédérer une communauté autour de l’entreprise et de puiser dans un vivier de jeunes talents passionnés.

3. L’émergence d’un acteur principal

Un acteur du coworking émerge comme la référence et adopte une stratégie de développement extensive réussie. Il multiplie les lieux et parvient à allier communauté et efficacité en créant des synergies opérationnelles. Le nombre d’espace se multiplie, mais le nombre d’acteurs baisse. Ce scénario correspond à une structuration relativement classique d’un marché.

4. Le coworking public

Les Etats et les collectivités territoriales comprennent et veulent accompagner les mutations du travail, favoriser l’innovation et l’entrepreneuriat. Ils se mettent à développer des espaces aux prix très compétitifs car subventionnés directement ou via des associations. Plus de gens peuvent accéder au coworking mais le mouvement perd de son indépendance, de sa créativité et de son authenticité. Les initiatives privées deviennent moins compétitives.

5. La constitution d’une fédération d’espaces indépendants

Dans ce scénario, les différentes initiatives indépendantes existantes réussissent à s’organiser en une sorte de fédération et parviennent à créer des synergies entre elles, monter en compétence et fluidifier l’expérience des coworkers pouvant voyager d’un espace à l’autre. Le coworking s’organise donc de manière décentralisée, en réseau, autour d’espaces influents et de communautés autonomes mais en interaction.

Notre orientation

Parmi ces différents scénarios, Mutinerie penche clairement pour la dernière option.

Nous souhaitons que le coworking s’organise en une constellation d’espaces indépendants mais fortement connectés.

Après tout, en tant que créateurs d’espaces de coworking, nous voulons que les coworkers soient libres et indépendants mais qu’ils puissent s’ils le souhaitent, travailler, s’organiser et agir ensemble. Le prolongement naturel de cette pensée, c’est qu’à l’échelle des espaces, eux aussi restent libres, indépendants mais puissent également s’organiser ensemble.

C’est la ligne qui nous paraît la plus proche des valeurs du coworking, la plus originale et la plus excitante.

Nous avons l’occasion de montrer que le coworking, né de la base peut réussir à se structurer par la base. Qu’il est capable de déployer à grande échelle le modèle d’organisation que nous avons mis en place au sein de nos espaces. Nous avons l’occasion de voir ce que peut vraiment donner la coopération à grande échelle d’un ensemble de personnes libres et indépendantes. La période qui vient sera cruciale !

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Les lieux de travail qui ont changé l’histoire 4/ Les coopératives ouvrières http://www.mutinerie.org/les-lieux-de-travail-qui-ont-change-lhistoire-4-les-cooperatives-ouvrieres/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=les-lieux-de-travail-qui-ont-change-lhistoire-4-les-cooperatives-ouvrieres http://www.mutinerie.org/les-lieux-de-travail-qui-ont-change-lhistoire-4-les-cooperatives-ouvrieres/#comments Sun, 11 Aug 2013 14:14:43 +0000 William http://www.mutinerie.org/?p=26858 Voici la suite, et la fin de ma série sur les lieux de travail qui ont changé l’histoire. Ces derniers mois ont été particulièrement chargés à Mutinerie et, à ma grande frustration, je n’ai pas pu trouver le temps de continuer à écrire. Faisons donc un petit bilan. Nous nous étions penchés sur des lieux,...

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Voici la suite, et la fin de ma série sur les lieux de travail qui ont changé l’histoire. Ces derniers mois ont été particulièrement chargés à Mutinerie et, à ma grande frustration, je n’ai pas pu trouver le temps de continuer à écrire. Faisons donc un petit bilan. Nous nous étions penchés sur des lieux, des époques et des initiatives complètement différentes, en commençant par les monastères à l’époque médiévale, les Kibboutz puis les ateliers d’artistes au XIXème siècle. Cette fois-ci encore, on change d’ambiance pour étudier les coopératives ouvrières et leurs influences sur les façons de travailler depuis l’époque où elles sont nées jusqu’à nos jours.

Pourquoi et comment sont-ils nés ?

A l’heure ou les premières coopératives apparaissent, l’Europe, qui s’industrialise rapidement, sort d’un monde où l’essentiel des travailleurs sont des agriculteurs ou des artisans indépendants. A cette époque, ces indépendants s’organisent en communautés (de villages et corporations de métiers). Chacun travaille avec ses propres outils et ses propres techniques. Les outils les plus coûteux sont souvent partagés entre les différents travailleurs d’une même communauté.

Quant aux autres métiers, ils sont la plupart du temps structurés au sein de corporations, jurandes ou compagnonnage  aux règles extrêmement codifiées qui prennent en charge les artisans de leur apprentissage, jusqu’à leur maitrise, qui régulent les prix, formalisent les bonnes pratiques et arbitrent en interne les tensions. Le salariat est souvent un mode d’apprentissage transitoire plutôt qu’un statut définitif. Malgré leurs défauts (fermeture excessive, organisations patriarcales, freins à l’innovation et aux nouveaux entrants, peu de sens de l’intérêt du plus grand nombre, manque de transparence…) les corporations protègent relativement bien le travailleur et les intérêts des corps de métier qu’elles exercent.

Mais sous la pression croissante du capitalisme industriel, le travail commence à subir une transformation radicale, dans ses objectifs et ses méthodes.

Les corporations, et de manière générale, toutes les formes de solidarités professionnelles, sont devenues un obstacle à l’ascension des premiers empires industriels.

Elles gênent la libre détermination des prix, elle entravent les lois de la concurrence, de la circulation des hommes et des marchandises et résistent aux méthodes d’organisations des grandes entreprises.

Au sein des entreprises industrielles, les travailleurs se retrouvent progressivement seuls face à ceux qui possèdent les outils. Le statut salarié se généralise et devient un mode de travail durable. Il s’agit d’un moment inédit dans l’histoire des hommes.

Si l’on considère en même temps l’exode rural qui accompagne ce mouvement et qui déracine les gens de leurs attaches traditionnelles, on mesure un peu mieux l’étendue de la perte que subissent des millions de travailleurs en Europe. Perte de leurs outils, de leurs réseaux, de leurs cultures et finalement de leurs libertés.

C’est la Révolution Française qui supprime les corporations car elle les considère comme des institutions au services d’intérêts particuliers qu’elle prétend combattre. La fameuse loi Le Chapelier de 1791 les rend illégales. Le message est clair :

Il n’y a plus de corporation dans l’État ; il n’y a plus que l’intérêt particulier de chaque individu et l’intérêt général

Une bien belle parole qui se traduit concrètement par des réalisations un peu moins flamboyantes. Car comme le disait Antoine, dans l’un de ses articles, l’intérêt général est essentiellement le résultat d’un rapport de force. C’est celui qui est capable, dans un groupe donné, de récompenser ou de punir, qui orientera les intérêts particuliers vers son intérêt, pas si général que cela…

Les révolutionnaires croyaient-ils à l’efficacité de cette démarche ou était-ce une manoeuvre pour ouvrir définitivement la voie à l’économie capitaliste ? Le sujet fait encore l’objet de toutes les spéculations (voir cet excellent article sur la question). Mais au delà des polémiques, qui auront bien du mal à trouver une issue claire tant la Révolution Française fut traversée de courants contradictoires et chaotiques, ce que l’on voit déjà naitre chez les réformateurs de l’époque, c’est une opposition sur la manière de concevoir la méthode qui pourra permettre de faire émerger un intérêt général et améliorer le sort de milliers de travailleurs exploités.

D’un coté, certains considèrent que chaque citoyen est seul, égal devant la Loi, seule forme d’expression valable de l’intérêt général qui ne doit surtout pas être biaisée par d’autres groupements d’intérêts particuliers. Dans ce mode de pensée, toute forme d’association ayant un objectif social est considérée comme un corps intermédiaire s’interposant de manière illégitime entre l’Etat et le citoyen. Mais dans ce cas, si l’on poursuit cette logique, pourquoi l’entreprise industrielle, qui est une forme d’association défendant des intérêts particuliers, trouve-elle grâce aux yeux des gouvernements tandis que les corporations, associations et coopératives demeurent interdites ?

Pour d’autres, l’Etat ne peut, ou ne doit être en lui-même le seul garant de l’intérêt général. Soit parce qu’il est impossible de garantir qu’il soit en mesure d’oeuvrer seul, efficacement à l’intérêt général, soit parce que l’on considère que les travailleurs eux-même sont les mieux placés pour comprendre les problématiques de leur métier et d’envisager les meilleures façons d’y répondre. Ou soit simplement, parce que l’on considère qu’il est naturel à l’homme de se rassembler, d’échanger et de s’unir…

Principes et fonctionnement des coopératives

Evidemment, ces transformations radicales des rapports sociaux ne sont pas passées inaperçues. Elles ont suscité des idées, des initiatives alternatives ainsi que des réactions à la fois idéologiques et concrètes. Sur le plan théorique, Les apports de théoriciens et de praticiens, popularisant les idées de communauté et de démocratie, ont contribué à faire émerger le mouvement de la coopération de production. Parmi les plus célèbres : Saint-Simon, Charles Fourier (fondateur du Phalanstère), Jean-Baptiste Godin (créateur du Familistère), Louis Blanc, Philippe BuchezJoseph Proudhon ou encore Robert Owen, considéré comme l’un des pères de la pensée coopérative.

Seuls devant la Loi, seuls devant l’employeur, seuls face aux marchés, seuls dans des villes nouvelles composées de gens coupés de leurs communautés, le besoin et les bénéfices de l’union de ces nouveaux travailleurs devient criant.

Des initiatives apparaissent de toute part mais sont souvent crées de façon clandestine car toujours interdites par la Loi le Chapelier ou diverses lois instaurant un « délit de coalition » en Europe. Certaines naissent de l’esprit d’entrepreneurs soucieux du bien-être des ouvriers et engendrent des projets comme le Phalanstère ou le Familistère. D’autres émergent à partir des besoins de travailleurs sur le terrain et se répandent rapidement. Le cas le plus fameux est celui des Equitables Pionniers en 1844 en Angleterre. Il s’agit au départ d’un groupement de quelques tisserands qui se rassemblent pour pouvoir acheter, dans un magasin coopératif, des produits bon marché. D’une quarantaine de souscripteurs en 1844, la Société en compte plus de 10 000 en 1880. Les Équitables Pionniers sont imités dans toute l’Angleterre : les coopératives de consommation comptent plus d’un million d’adhérents au début du XXème siècle.

En France, la Bellevilloise est un bon exemple de ce à quoi pouvait ressembler une coopérative parisienne à la fin du XIXème siècle et au début du XXème. Avec jusqu’à 15 000 sociétaires en 1929, elle a été l’une des sociétés les plus représentatives et les plus célèbres du mouvement coopératif français. Autour de la distribution de produits de consommation courante, La Bellevilloise a progressivement développé des oeuvres sociales, éducatives et culturelles étonnamment étendues. Les enfants pouvaient participer à son patronage et bénéficier de séjours en colonies de vacances. Les veuves ou les grévistes y trouvaient le soutien nécessaire pour faire face aux difficultés immédiates. On pouvait y apprendre l’espéranto ou la dactylographie, pratiquer un sport ou chanter, s’initier au théâtre ou assister à un concert donné par de grands interprètes, emprunter des livres à la bibliothèque ou venir danser à l’occasion de nombreuses fêtes, assister à la projection de films et de conférences, consulter un médecin …. La Bellevilloise a largement contribué a recréer du lien et des solidarités dans tout l’est parisien. Bien qu’elle ait aujourd’hui changé d’activité, la Bellevilloise a accueilli l’année dernière la conférence européenne du coworking. Le clin d’oeil historique est assez amusant…

la bellevilloise

En 1895, l’Alliance Coopérative Internationale publie une déclaration sur l’identité coopérative qui énonce sept principes d’une coopérative. Cette définition reste aujourd’hui encore la référence centrale pour les coopératives :

  1. Adhésion volontaire et ouverte à tous. Les coopératives sont des organisations fondées sur le volontariat et ouvertes à toutes les personnes aptes à utiliser leurs services et déterminées à prendre leurs responsabilités en tant que membres, et ce sans discrimination fondée sur le sexe, l’origine sociale, la race, l’allégeance politique ou la religion.
  2. Pouvoir démocratique exercé par les membres. Les coopératives sont des organisations démocratiques dirigées par leurs membres qui participent activement à l’établissement des politiques et à la prise de décisions. Les hommes et les femmes élus comme représentants des membres sont responsables devant eux. Dans les coopératives de premier niveau, les membres ont des droits de vote égaux en vertu de la règle « un membre, une voix » : les coopératives d’autres niveaux sont aussi organisées de manière démocratique.
  3. Participation économique des membres. Les membres contribuent de manière équitable au capital de leurs coopératives et en ont le contrôle. Une partie au moins de ce capital est habituellement la propriété commune de la coopérative. Les membres ne bénéficient habituellement que d’une rémunération limitée du capital souscrit comme condition de leur adhésion. Les membres affectent les excédents à tout ou partie des objectifs suivants : le développement de leur coopérative, éventuellement par la dotation de réserves dont une partie au moins est impartageable, des ristournes aux membres en proportion de leurs transactions avec la coopérative et le soutien d’autres activités approuvées par les membres.
  4. Autonomie et indépendance. Les coopératives sont des organisations autonomes d’entraide, gérées par leurs membres. La conclusion d’accords avec d’autres organisations, y compris des gouvernements, ou la recherche de fonds à partir de sources extérieures, doit se faire dans des conditions qui préservent le pouvoir démocratique des membres et maintiennent l’indépendance de leur coopérative.
  5. Éducation, formation et information. Les coopératives fournissent à leurs membres, leurs dirigeants élus, leurs gestionnaires et leurs employés, l’éducation et la formation requises pour pouvoir contribuer effectivement au développement de leur coopérative. Elles informent le grand public, en particulier les jeunes et les dirigeants d’opinion, sur la nature et les avantages de la coopération.
  6. Coopération entre les coopératives. Pour apporter un meilleur service à leurs membres et renforcer le mouvement coopératif, les coopératives œuvrent ensemble au sein de structures locales, nationales, régionales et internationales.
  7. Engagement envers la communauté. Les coopératives contribuent au développement durable de leur communauté dans le cadre d’orientations approuvées par leurs membres.

Selon l’Alliance Coopérative Internationale, un milliard de personnes sont membres de coopératives dans plus de 90 pays. Un million de coopératives dans le monde emploierait 100 millions de personnes en 2012 ! Les coopératives sont aujourd’hui totalement intégrées dans le système économique et ont largement fait preuve de leur efficacité comme de leur pérennité…

Enseignements pour le coworking

D’abord, il est étonnant de constater la proximité incroyable entre les 7 principes coopératifs et les principes du coworking. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si de nombreux espaces fonctionnent sur le modèle de coopérative (SCOP).

  • Créer du lien dans un environnement individualiste : Les associations de travailleurs et de consommateurs ont émergé dans un contexte de destruction des solidarités collectives avec la volonté explicite de tisser des liens nouveaux. Ces anciennes solidarités rurales et corporatistes pouvaient être jugées trop oppressantes, fermées et mal adaptées aux logiques industrielles, mais leurs désagrégations ont plongé les plus faibles dans un état d’oppression pire encore. Les mouvements coopératifs sont parvenues à enrayer et parfois à faire reculer l’individualisme (dans un contexte souvent hostile), ce qui s’est traduit par une amélioration de la vie de milliers de personnes.

    Notre époque récente souffre elle aussi cruellement de ce manque de liens nécessaires, le coworking peut contribuer à renouer des liens nouveaux entre des indépendants et travailleurs qui actuellement restent trop souvent isolés.

  • L’intérêt général et les intérêts particuliers : Les questions que soulèvent la loi le Chapelier et l’idée de supprimer les « corps intermédiaires » sont centrales pour comprendre l’utilité, et la nécessité de communautés fortes et représentées dans une société. D’une part l’Etat n’est pas une garantie de l’intérêt général et d’autre part, ce n’est pas parce que l’on représente, à titre privé un groupement de personnes ayant des sensibilités et des intérêts communs que l’on ne peut pas oeuvrer à l’intérêt général. Le fait d’être élu ne transforme pas un homme en un serviteur zélé du bien commun, et la vraie valeur de la démocratie ne réside pas dans le fait que chacun puisse élire ses dirigeants mais dans l’existence d’une agora permettant à chaque élément composant une société de s’exprimer de manière pacifique et honnête.

    Une société dans laquelle chacun est seul dans son rapport aux institutions et aux grandes structures abouti à l’instauration de la loi du plus fort et non pas à l’intérêt général.

    Cela me fait dire que les espaces de coworking ont tout intérêt à défendre, non seulement leurs communautés locales, mais également a accentuer leur niveau d’échange et de collaboration entre espaces pour faire réellement émerger les décisions allant dans le sens de l’intérêt général. 

  •  l’échec relatif des initiatives top-down basées sur les communautés d’intérêts

On l’avait vu lors de précédents articles, cela se confirme encore; les initiatives « top-down » tel que le Phalanstère, le Familistère, New Harmony (dans l’Indiana), Ralahine (en Irlande) et Tytherly (en Angleterre) ont toutes connues un succès limité au point de vue opérationnel. Ils n’ont pas souvent réussi à devenir des centres vivants, pérènnes et féconds de production et de justice sociale.

Josiah Warren, un anarchiste qui fut l’un des premiers membres de la New Harmony Society, affirma que la communauté était vouée à sa perte en raison de l’absence de souveraineté individuelle et de propriété privée. Il déclara au sujet de la communauté :
« Les différences en termes d’opinions, de préférences et d’objectifs semblèrent s’accroître proportionnellement à l’exigence de conformité. Deux années furent gaspillées de cette manière ; après quoi, je crois que trois personnes tout au plus avaient encore le moindre espoir de réussite. La plupart des expérimentateurs s’en vinrent, abandonnant tout espoir de réforme, et on sentit le conservatisme se confirmer. Nous avions essayé toutes les formes d’organisation et de gouvernement imaginables. Nous avions un monde en miniature. Nous avions joué la scène de la Révolution française encore et encore avec pour résultat nos cœurs désespérés au lieu des cadavres. Il apparut que c’était la propre loi de la diversité inhérente à la nature qui nous avait vaincus. Nos ‘union d’intérêts’ était en guerre directe avec l’individualité des personnes et des circonstances, et avec l’instinct d’auto-préservation… et à l’évidence, il apparut qu’en proportion de la rencontre de personnes ou d’intérêts, les concessions et les compromis s’avéraient indispensables. »
Ce que dit Josiah Warren mérite une sage médiation pour tous ceux qui créent ou souhaitent créer des communautés d’intérêt sans communautés d’idéaux.

Les communautés d’idéaux sont plus solides car, si les intérêts changent souvent, les idéaux perdurent.

New Harmony

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Après les monastères et les kibboutzim, nous poursuivons notre exploration des lieux de travail qui ont changé l’histoire, une serie d’articles pour tenter de comprendre comment certains espaces de travail et de vie en communauté on pu apparaitre, s’organiser et grandir au point d’infléchir le cours de l’histoire. Aujourd’hui, c’est au tour des ateliers d’artistes de se faire inspecter. Une balade historique qui nous entrainera de louis XIV au Paris bohème des artistes du XIXème siècle.

Pourquoi et comment sont-ils nés ?

Les premiers ateliers d’artistes remontent au moyen-âge. L’art alors est considéré comme sacré, rattaché à Dieu, source de toute création mais dont ses représentants sur terre se permettent parfois d’exercer une censure sévère. L’art et l’artisanat sont largement confondus. L’atelier est le lieu de travail de prédilection pour ces créateurs. Mais l’atelier d’artiste, tel qu’on l’entend aujourd’hui et tel qu’il se déploya à partir du XIXème siècle, est le fruit d’un long et passionnant processus mêlant l’art, l’économie et la politique.

Durant la Renaissance, l’art perd sa dimension uniquement religieuse et devient également un moyen pour les puissants d’illustrer leur grandeur, d’assoir leur autorité et d’attirer à eux non seulement la cour mais également les savoirs-faire et les compétences. On pense aux Médicis en Italie ou à François Ier en France. L’art comme reflet du prestige des puissants atteint probablement son apogée sous le règne de Louis XIV auprès de qui gravitent les meilleurs artistes de son temps; Le Brun, Racine, Lenôtre, LullyMolière, La Fontaine

Mais à cette époque, l’art est produit sur commande. Les artistes choisis par les puissants sont entretenus, honorés, anoblis, bichonnés, ils prennent parfois des libertés mais ne sont pas vraiment libres.

Académies vs Ateliers

En 1648, Louis XIV crée l’Académie Royale de peinture et de sculpture dont il confie la gestion à Le Brun. Elle est l’ancêtre de l’Académie des Beaux-Arts. Elle a pour but de former et d’offrir une reconnaissance, une visibilité aux artistes talentueux.

L’enseignement est prodigué par des maîtres à des élèves triés sur le volet. Les élèves sont ainsi formés à l’étude du nu, aux techniques et à l’esthétique antique etc… Lorsqu’ils ont atteint une certaine maturité, ils peuvent alors choisir leur maitre ou fonder une école. L’académie est un lieu de rencontre et de reconnaissance entre artistes. Chaque année, les artistes de l’académie exposent leur oeuvres au public au cours de salons, moyen privilégié d’accéder à la notoriété et au succès.

Le style académique ne pousse pas tant les artistes à trouver leur propre style qu’à se rapprocher d’un idéal qui repose sur quelques principes; simplicité, grandeur, harmonie et pureté.

Les thèmes de prédilection privilégiés sont l’antiquité greco-romaine et l’orientalisme. Selon du Fresnoy, auteur du premier traité sur la peinture en 1668, « La principale et la plus importante partie de la peinture, est de savoir connaître ce que la Nature a fait de plus beau et de plus convenable à cet art ; et que le choix s’en fasse selon le goût et la manière des Anciens »

L’académie émane du sommet du pouvoir, ce qui en dit assez long sur le caractère solennel, officiel mais également parfois pompeux et figé des enseignements académiques et des productions artistiques de l’époque. Ce modèle restera dominant en France, et dans une grande partie de l’Europe jusqu’à la fin du XVIIIème siècle. En peinture, Gérôme symbolise l’aboutissement et la fin de cette période. Seuls quelques artistes néerlandais comme Rembrandt s’en distinguent vraiment ainsi que d’autres précurseurs comme William Blake, Goya ou Delacroix.

En marge de cet univers académique, une population croissante d’artistes peine à exister. Ceux-ci ne peuvent entrer à l’académie car leur style ne rentre pas dans les principes officiels ou leurs sujets d’étude sont jugés trop communs ou trop provocants.

Ils ne peuvent exposer dans les salons, tenus par les académies. Leurs moyens matériels sont bien souvent limités et doivent partager leur atelier avec d’autres artistes. C’est dans ses ateliers que l’on commence à forger une nouvelle esthétique au service d’une autre vision du monde.

La Révolution Française entraine la disparition des rouages de l’administration royale des arts et de ses académies (remplacée en 1816 par L’académie des beaux-arts). Les aspirations de l’époque changent. Révolutions, réformes politiques et industrialisation placent l’Europe dans une situation inédite. Le romantisme fait son nid dans cette époque mouvementée.

Le romantisme n’est précisément ni dans le choix des sujets ni dans la vérité exacte, mais dans la manière de sentir. Ils l’ont cherché en dehors, et c’est en dedans qu’il était seulement possible de le trouver.

Baudelaire résume en deux lignes le changement qui s’opère au niveau de la conception de l’art. Désormais, l’artiste est celui qui parvient à extérioriser de la manière la plus fine possible son « en dedans ». Dans ce clash entre les académies et les ateliers se confrontent en réalité deux visions du monde et deux façons d’envisager la création.

Pour l’académisme, le point de départ, la source de la création est extérieur et intellectualisé. La Nature fournit le matériaux, le maître enseigne la technique et les procédés pour produire et reproduire d’après Elle.

Ainsi, il est normal de suivre un enseignement hiérarchisé où l’extérieur (le professeur, les préceptes) s’impose à l’élève.

Pour le romantisme et les courants qui vont suivre, le point de départ de la création est intérieur et sensible, la nature ou la société ne sont que des supports pour l’expression de sa sensibilité, ou de ses impressions.

L’artiste devient introspectif. Son travail porte sur la perception. Son environnement de travail n’est pas dans les académies pompeuses et aseptisées mais partout autour de lui, dans ce qui peut nourrir son « en dedans » et lui donner de la substance. L’artiste est en prise avec le monde, et la condition de sa fécondité créative est un environnement capable de toucher son être. Ainsi l’atelier ou la cité d’artiste devient l’environnement idéal. Non hiérarchisé, ouvert, issu de la base, situé au croisement d’influences multiples, il est un terreau adapté à cette nouvelle méthode créative. S’ils ont commencé comme des outils de mutualisation des moyens pour des artistes dans le besoin, ces lieux prennent désormais un sens symbolique et revendicateur, lieu quasi mystique ou se produit la jonction entre l’artiste et son oeuvre. Les ateliers ont tous une sensibilité différente et c’est bien le fait de partager une sensibilité (et non une méthode particulière) qui réunit ces artistes.

Autour du XIXème siècle, l’art se démocratise et de plus en plus d’artistes commencent à pouvoir exister réellement et gagner tant bien que mal -souvent mal- leur vie.  Dans les années 1860, Paris comptait ainsi plusieurs milliers de peintres. Des locaux réservés aux artistes fleurirent à cette époque dans les quartiers neufs comme la Nouvelle Athènes, en complément des logements occupés par les peintres officiels et académiques dans le cœur de la capitale. On voit aussi se multiplier à cette époque des cités d’artistes où se recréent des espaces communautaires, proche de l’esprit de la Bohème.

tassaert

A Barbizon, dans les paysages de la forêt de Fontainebleau, on rompt avec le formalisme de l’époque pour produire des oeuvres inspirées par la contemplation paisible, hédoniste de la nature ou de scènes rurales, loin des représentations glorieuses et intellectualisées des artistes académiques. On travaille en pleine nature et l’on se retrouve le soir à l’Auberge de la mère Ganne pour confronter ses productions dans une ambiance festive.

L’impressionnisme, qui émerge dans la deuxième partie du XIXème siècle, signe l’abandon du style purement figuratif et symboliste propre à l’académisme  pour une approche plus portée vers le suggestif. La couleur, méprisée par les anciens (les académies n’enseignaient pas les techniques de couleur et se focalisaient essentiellement sur le dessin) devient essentielle.

En 1863, le salon de peinture et de sculpture, tenu par les membres de l’Académie, refusa plus de 3 000 œuvres sur les 5 000 envoyées. Face à cette hécatombe, Napoléon III décide qu’une exposition pour les refusés se tiendra au Palais de l’Industrie. C’est le salon des refusés, une première brèche dans la mainmise des académies sur le monde des arts. Manet y présente son déjeuner sur l’herbe qui créera un scandale sans précédent dans les milieux de la peinture. En 1884, le Salon des Artistes Indépendants est créé. Il permet à tous les artistes de présenter leurs oeuvres, sans qu’elles soient soumises à l’appréciation d’un jury. La devise de ce Salon, « Sans jury ni récompenses » symbolise bien l’état d’esprit de cette nouvelle génération.

Comment fonctionnaient-ils ?

Les ateliers partagés, les cités d’artistes, les auberges ou cafés qui servaient d’épicentre aux artistes du XIXème siècle forment un ensemble hétéroclite d’espaces différents régis par des règles souvent informelles. Ils se constituent autour d’artistes influents ouvrant leur espace de travail à d’autres artistes, de propriétaires immobiliers farfelus ou de personnages charismatiques. Malgré cette diversité de fonctionnement, certains points communs reviennent toujours.

  • On se rassemble autour de l’idée, et non de la technique

l’atelier est à la fois lieu d’apprentissage, lieu de production et de distribution. Il devient parfois lieu de promotion. On y croise tous types d’artistes; peintres, sculpteurs, écrivains, poètes … Ces lieux ne s’adressent pas à un profil type ni à une fonction clairement identifiée. Leur élément fédérateur, c’est la communauté de valeur.

  • apprentissage de pair à pair

L’atelier se distingue de l’académie car il est un lieu d’apprentissage de pair à pair.

Chacun est tour à tour élève et professeur, les meilleurs sont reconnus soit sur leur qualité technique, soit pour leur univers créatif particulièrement inspirant ou emblématique de l’esprit de l’atelier.

La technique et le message sont véhiculés ensemble, chaque membre pouvant apporter sa contribution sur ces deux aspects. Personne ne vient se placer en juge pour sanctionner le travail d’autrui. Cela ne veut pas dire que personne ne juge personne mais que celui qui émet un jugement, ne le fait pas depuis une position privilégiée et s’expose lui-même aux regards de ses pairs.

L’apprentissage de pair à pair est enfin le meilleur moyen de bénéficier d’un apprentissage individualisé tout en bénéficiant d’apports exterieurs riches et variés. C’est bien cela qui, dans la nouvelle conception de l’art devient essentiel car le travail y est devenu totalement personnel alors que les ressources (matérielles, techniques et intellectuelles) ont tout intérêt à être partagées. l’atelier permet  la fois l’individualisation de la pratique et la production d’une réflexion collective.

  • Un terreau pour la réflexion collective 

Une idée, une vision n’émerge pas toute formée dès l’origine. A ses débuts, elle est faible et incertaine, ses contours sont mal définis. Elle a besoin d’un environnement favorable, sorte de liquide amniotique qui lui permettra de mûrir pour acquérir son indépendance. Seuls, ces grands artistes du XIXème siècle n’auraient peut-être pas pu produire ce qu’ils ont produit, leurs intuitions, leurs visions n’auraient sans doute jamais pu prendre une forme aboutie. Les ateliers ont servit de couveuses pour ces idées encore diffuses. Le fait de bénéficier de lieux pour construire de nouvelles (micro) sociétés régies par d’autres regles et d’autres idéaux est fondamental pour transformer ses aspirations en réalités.

Et le coworking là-dedans ?

  • L’atelier d’artiste est le meilleur terreau créatif pour l’économie cognitive

Les processus créatifs dans les cercles artistiques sont particulièrement intéressants pour le coworking et l’économie du XXIème siècle car de plus en plus de qualités que l’on prête aux artistes sont désormais sollicitées dans les nouveaux processus créatifs aujourd’hui; créativité, originalité, vision, capacité d’adaptation, capacité d’apprentissage permanent, sens de l’initiative, intelligence cognitive et émotionnelle, intégrité…

Si l’on demande désormais à de plus en plus de travailleurs des qualités que les artistes apprennent à affûter grâce notamment aux ateliers, il est assez logique, que l’environnement de travail idéal tendra à s’approcher de l’environnement traditionnel des artistes.

L’environnement du travailleur de demain ressemblera sans doute plus à l’atelier d’artiste qu’aux bureaux que nous connaissons tous parce que ses exigences de travail ressembleront davantage à celles des artistes du XIXème siècle qu’à celles de l’employé du XXème siècle.

  • Sans jury ni récompense 

« Sans jury ni récompense », la devise du salon des indépendants conviendrait parfaitement au coworking. Le coworking fonctionne également sur ce modèle horizontal, de pair à pair, où personne ne vient se placer en juge pour désigner, choisir et récompenser. Derrière ce mode de fonctionnement on retrouve l’idée que, ce qui relève de la création, de l’innovation, ne peut être compris avec le regard et les moyens existants.

Qui dit juge, dit référentiel de jugement, et donc calquage d’anciennes idées sur de nouvelles. Logique qui tend invariablement à freiner l’innovation réelle.

Cela valide la logique horizontale et bottom-up du coworking et montre comment l’absence du pesant regard du passé sur le présent libère la création.

  • Innovation ouverte

Les ateliers d’artistes furent incontestablement des lieux d’innovations esthétiques et intellectuels et pourtant, ils ne se sont pas organisés comme un labo de recherche où un département de R&D tenu secret. Ils ne furent pas composés de spécialistes en pointe dans un domaine particulier mais brassaient au contraire tout un univers peuplé de gens de tous bords, aux compétences bien différentes.

Les systèmes ouverts, structurés seulement par des idéaux, sont des outils d’innovations, intellectuels, sociaux et artistiques d’une efficacité prodigieuse.

Voici un enseignement intéressant pour le coworking. Pour être vecteur d’innovation, le coworking doit rester ouvert tout en restant capable de rassembler la communauté autour d’idéaux communs. On retrouve d’ailleurs cet élément parmi les exemples que nous avons étudiés auparavant; les monastères et les Kibboutzim.

 

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Les lieux de travail qui ont changé l’histoire. 2/Le Kibboutz http://www.mutinerie.org/les-lieux-de-travail-qui-ont-change-lhistoire-2le-kibboutz/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=les-lieux-de-travail-qui-ont-change-lhistoire-2le-kibboutz http://www.mutinerie.org/les-lieux-de-travail-qui-ont-change-lhistoire-2le-kibboutz/#comments Tue, 09 Apr 2013 08:17:07 +0000 William http://www.mutinerie.org/?p=26454 Mutinerie continue ses plongées spatio-temporelles dans les lieux de travail qui ont changé l’histoire. Après le monastère à l’époque médievale, nous nous attaquons au Kibboutz, ces villages collectivistes émergés en Palestine à partir du début du XXème siècle. Pour cet article, j’ai fait appel à Léonard Déage, un ami non seulement féru d’histoire mais ayant également...

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Mutinerie continue ses plongées spatio-temporelles dans les lieux de travail qui ont changé l’histoire. Après le monastère à l’époque médievale, nous nous attaquons au Kibboutz, ces villages collectivistes émergés en Palestine à partir du début du XXème siècle.

Pour cet article, j’ai fait appel à Léonard Déage, un ami non seulement féru d’histoire mais ayant également testé la vie dans un Kibboutz pendant 6 mois à la fin de ses études. Il sait donc de quoi il en retourne sur ces questions. Rappelons ce qui nous intéresse dans ses flashbacks historiques; comprendre comment des espaces de travail et de vie innovants sont nés, se sont organisés et ont su modifier le cours de l’histoire. Dans ces expériences du passé résident sans doute de nombreux enseignements pour ceux qui tentent actuellement de changer nos façons de vivre et de travailler.

Contexte de la fondation du premier kibboutz : Degania

L’Empire russe de la fin du XIXe siècle connaît de graves troubles politiques, et les émeutiers finissent souvent par se retourner, notamment lors de l’assassinat de l’Empereur Alexandre II, en 1881, contre les très nombreuses communautés juives installées sur les actuels Ukraine, Moldavie, Biélorussie, Pologne et pays baltes.
Parallèlement, les idées sionistes mettent en effervescence les milieux intellectuels laïcs de la Diaspora occidentale : Théodore Herzl publie son Der Judenstaat (L’Etat juif) et réunit le premier Congrès sioniste à Bâle, en 1897.
Ces idées suscitent un enthousiasme particulièrement fort au sein des communautés d’Europe orientale, qui subissent régulièrement de violentes persécutions, et qui restent soumises à des lois discriminatoires.

On assiste alors à plusieurs vagues d’immigration successives vers la Palestine (de l’ordre de 50 000 personnes entre 1881 et 1914), alors sous domination ottomane. De petites  équipes se forment et s’installent sur des terres préalablement acquises par le Fonds National Juif (KKL), et dont l’exploitation leur est concédée.
Pour ces jeunes pionniers, qui le plus souvent ne savent rien de l’agriculture, il s’agit maintenant de survivre, de défricher, drainer les marécages, dépierrer les champs, planter des arbres… Beaucoup se découragent et vont plutôt tenter leur chance en Europe occidentale, aux Etats-Unis ou en Amérique du Sud.

Si la volonté de ces pionniers est bien de créer un Juif nouveau, vivant du travail de la terre et de ses mains (métiers qui avaient longtemps été interdits au Juifs, dans les ghettos d’Europe), loin de toute exploitation de l’homme par l’homme, et si les vétérans du Bund et autres partis socialistes ouvriers juifs sont nombreux, tous ne sont pourtant pas des socialistes convaincus.

En l’absence d’un courant politique dominant et dogmatique, et devant l’extrême diversité de cultures, de langues et de mode de vie des immigrants juifs, de nombreuses expériences d’organisation coexisteront au début. Cela donnera aux Kibboutz une démarche expérimentale indéniable.

La rudesse du travail, dans des champs restés en jachère pendant des siècles, l’isolement géographique, et parfois la nécessité de faire face aux menaces des tribus bédouines environnantes rendent en fait le travail et la vie en communauté indispensables à la réalisation de cet idéal. Les fermes qui ne fonctionnent pas sur des principes égalitaires, avec propriété collective des moyens de production, périclitent ou explosent.

C’est dans ce contexte qu’en 1909 est fondé Degania, au bord du Lac de Tibériade, en Galilée. C’est dans ce kibboutz que de nombreux pionniers seront formés, pour essaimer ensuite en fondant plus loin de nouveaux kibboutzim, dans l’idée de pouvoir revendiquer l’occupation d’un maximum de territoire avant la proclamation prochaine de l’Etat d’Israël et le partage des terres qui s’ensuivrait.

Fonctionnement d’un kibboutz type

Le principe de collectivisme ne s’arrête pas à la propriété et à la coopérativité, mais s’applique aussi à la vie sociale (les repas sont pris en commun dans une grande salle, etc.), à l’éducation (les enfants sont élevés par groupes d’âge, et ne voient leurs parents que quelques heures par jour). Les décisions concernant le kibboutz sont soumises à un régime de démocratie participative directe.

L’administration est réduite au strict minimum, ce qui est rendu possible par le fait qu’en moyenne un kibboutz compte moins de 450 membres, mais pas non plus sans rapport avec un fond de culture anarchiste. Les postes administratifs sont tournants.
Après les dépenses de fonctionnement et les dotations aux investissements, les revenus sont partagés équitablement entre les membres, selon la taille des familles, et les services sont gratuits (école, dispensaire, buanderie, installations sportives, dans une certaine mesure la restauration collective, …). Ces revenus sont d’ailleurs essentiellement versés sous la forme d’un budget (« droit à dépenser dans l’enceinte du kibboutz »), et seulement en partie sous forme de salaire en monnaie courante (pour les achats personnels en dehors du kibboutz).

Cependant, contrairement à ce qu’on pourrait penser, les kibboutzim ne fonctionnent pas en autarcie (ils ne peuvent pas produire tout ce qu’ils consomment), mais ils sont même liés à l’Etat de manière relativement importante. Ils exploitent des terres qui lui sont concédées par l’Etat, et ont touché (jusqu’à l’arrivée du premier gouvernement de droite, en 1977) d’importantes subventions. De plus, les kibboutzim ont historiquement fourni un important contingent à l’administration publique et à l’armée.

Après la proclamation d’indépendance et la première guerre israélo-arabe, en 1948, les kibboutzim contribuent aussi largement à l’absorption du flux d’exilés juifs issus des pays de l’Orient arabe, puis après l’indépendance des pays du Maghreb dans les années 60, puis après l’ouverture partielle de l’Union soviétique dans les années 70, et depuis son effondrement en 90.

Le kibboutz constitue alors une première étape – une sorte de sas de décompression – pour les nouveaux immigrants, au cours de laquelle sont dispensés, dans des écoles dédiées, des cours d’hébreu et des conseils pratiques (formalités, ouverture d’un compte bancaire, enregistrement à la Sécurité Sociale, …).

A noter que, à de rares exceptions près – une vingtaine de kibboutzim religieux sur 271 -, les kibboutzim sont laïques (voire un peu bouffe-rabbin…), et ne retiennent par exemple des fêtes juives traditionnelles que leur origine agricole ou leur sens national.

piocheuses

Héritage

Après une période de crise dans les années 70, certains kibboutzim ont mené de profondes réformes, de l’instauration progressive de salaires différenciés à la privatisation pure et simple, en passant par la constitution en moshav (autre structure, plus proche de la coopérative classique).
En tendance, on a assisté à un recentrage de la vie privée sur la cellule familiale ; c’est ainsi que les enfants sont aujourd’hui majoritairement élevés par leurs parents, que les repas ne sont plus pris systématiquement en commun, et qu’une plus grande partie du budget est versée en monnaie.
De plus, conséquence d’un niveau globalement élevé d’éducation, le kibboutz s’est ouvert sur l’extérieur : en embauchant de la main-d’œuvre non-membre pour les travaux les moins qualifiés, et en permettant aux membres de travailler à l’extérieur (à condition de reverser la plus grande partie de leur salaire à la collectivité).

Aujourd’hui, les kibboutzniks ne représentent plus qu’1,8% de la population israélienne. Pourtant les 271 kibboutzim contribuent à 40% de la production agricole, 10% de la production industrielle et 6% du PIB d’Israël.

Mais surtout le kibboutz a donné au pays une étonnante proportion de ses hauts cadres militaires et politiques, et parmi les personnalités les plus engagées et les plus militantes socialement.
Jusque dans les années 80, il a constitué pour la société israélienne un modèle vers lequel tendre, et s’il ne jouit plus du même prestige qu’autrefois, il a durablement façonné la production, l’idéologie et la culture israéliennes.
Depuis les années 2000, le kibboutz connaît un regain de popularité et sa population croît de nouveau. Certains se sont en effet spécialisés dans des productions à haute valeur ajoutée : haute technologie, agriculture de pointe, industrie de l’armement, … Ils intègrent des bureaux de recherche et développement renommés dans le monde entier. D’autres encore se sont tournés vers les services : le tourisme essentiellement.

Le kibboutz reste une exception historique, et le mouvement communautaire le plus grand du monde.

Et le coworking dans tout ça ?

Quels enseignements le coworking peut-il tirer de l’expérience des kibboutz ?

  • Exodus

Le contexte dans lequel émergent les Kibboutz est unique au monde. La création d’Israël est un exemple rare d’une création nationale essentiellement « bottom-up » ; un mouvement spontané de la base vers le sommet. Elle part d’une base de personnes qui, en dépit d’énormes différences culturelles, partagent un sentiment d’appartenance à une communauté mais ne peuvent espérer vivre selon leur aspirations au sein des pays dans lesquels ils résident.

Le kibboutz est conçu comme un refuge pour les gens persécutés, un moyen d’échapper à l’oppression et à l’exploitation.

Les premiers Kibboutzim emergent bien avant qu’Israël soit reconnu comme un Etat, il ont précédés celui-ci et lui ont permis de prendre forme. Le coworking est également un mouvement bottom-up, né d’abord d’un mouvement spontané et rejoint par une réflexion plus globale. Il comporte également cette dimension de refuge, de lieu de vie et de travail vivant hors des règles actuelles jugées dégradantes, inadaptées, injuste ou simplement obsolètes.

  • Pas de communauté efficace sans idéal

Les Kibboutzim, comme les monastères du reste montrent qu’à partir du moment où des groupes humains sont unis par un idéal commun et une volonté réelle de vivre ensemble, il est possible de construire de grandes choses malgré une diversité culturelle colossale. C’est également quelque chose que le mouvement du coworking doit garder en tête. La diversité de profils et de compétences dans nos espaces ne peut être un véritable atout que si nous sommes capables de proposer et de maintenir un idéal commun partagé par tous.

Le modèle du kibboutz enseigne que lorsque l’on rassemble des gens partageant un idéal et qu’on leur donne les moyens de production, on peut potentiellement refaire société, au point de créer un Etat …

  • L’équilibre entre l’idéal et le réel

Le modèle d’organisation des kibboutzim se dessine au fur et à mesure des différentes expérimentations. Ce qui a émergé c’est fait davantage par pragmatisme que par conviction politique. Ce qui ne veut pas dire que les pionniers n’avaient pas d’idées politiques, mais qu’ils n’avaient pas d’idée préconçue de la forme que celles-ci devaient prendre.

La fondation d’Israël est très rapidement (et violemment) confronté à la dure réalité, et un modèle comme celui du Kibboutz n’aurait pu continuer à exister s’il n’était pas capable de s’y frotter. Il a été façonné par le réel, sans perdre son idéal.

Tandis qu’en pleine Union Soviétique, on transforma l’idéal socialiste en objectifs concrets et en plans quinquennaux, les kibboutz s’employèrent à garder et maintenir cet idéal tout en faisant face au réalités quotidiennes de manière assez pragmatique. J’y vois là un enseignement important sur la manière de conjuguer l’idéal, la vision avec le fameux « mur de la réalité » qui terrifie, et qui bien souvent fini par aplatir bon nombre de nobles esprits …

  •  Les risques

Enfin, on voit aussi dans l’histoire des kibboutzim, les germes des dangers qui peuvent guetter ce modèle d’organisation. L’histoire des Kibboutzim, comme celle des monastères et celle des espaces de coworking comporte ses erreurs, ses tensions et ses divisions.

Pour les kibboutzim, le risque de la confusion entre l’action des communautés et celle des gouvernements est évident.

L’histoire de la fondation d’Israël et celle des kibboutzim ne cesse de s’entremêler au risque de provoquer une perte d’indépendance réelle pour les kibboutzim et une potentielle instrumentalisation de ces derniers au profit d’une politique d’Etat. Les kibboutzim ont clairement servi de verrou pour l’appropriation et la consolidation des territoires fraichement acquis et ont bénéficié d’aides et de subventions diverses.

 On se retrouve bientôt pour découvrir un lieu de travail ayant changé l’histoire; les ateliers d’artiste au XIXème siècle

Si vous souhaitez contacter Léonard, le féliciter, le conspuer ou lui poser des questions, c’est ici

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Les lieux de travail qui ont changé l’histoire. 1/Le Monastère http://www.mutinerie.org/les-lieux-de-travail-qui-ont-change-lhistoire-1le-monastere/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=les-lieux-de-travail-qui-ont-change-lhistoire-1le-monastere http://www.mutinerie.org/les-lieux-de-travail-qui-ont-change-lhistoire-1le-monastere/#comments Mon, 25 Feb 2013 09:44:49 +0000 William http://www.mutinerie.org/?p=25741 Quels points communs entre les espaces de coworking et les monastères ? Mutinerie entame aujourd'hui le premier d'une série d'article sur les lieux de travail qui ont changé l'histoire; intrigante plongée mutine en milieu monastique ...

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Avant le coworking, l’histoire a connu d’autres expériences de lieux de vie et de travail partagés qui me font penser de près ou de plus loin à ce que nos communautés expérimentent à travers nos espaces. Ces lieux ont été capables de changer l’histoire durablement et de manière positive. Ils ont contribué à forger à catalyser et à diffuser des valeurs et des idées neuves.

Pourquoi et comment ces lieux se sont créés et ont pu prospérer ? Comment s’organisaient ils ? Quel impact ont ils pu avoir sur les sociétés dans lesquelles ils sont nés ? 

L’histoire ne se répète jamais à l’identique, mais elle peut tout de même nous éclairer sur les dynamiques et l’avenir des expériences contemporaines d’espaces de travail partagés.

J’ai choisi d’étudier plus précisément quatre modèles différents qui feront chacun l’objet d’un billet:

  • Monastères à l’époque féodale
  • Ateliers d’Artistes au XIXème siècle
  • Phalanstère et coopératives ouvrières
  • Kibboutz

Evidement, on pourrait citer plein d’autres exemples de lieux comparables : communautés hippies, monastères bouddhiques, ashrams, villages protestants puritains durant la conquête de l’Ouest américain… Mais les modèles que j’ai choisi me semblent représenter un panel diversifié réunissant pourtant les composantes essentielles qui nous intéressent au niveau du coworking :

  • Communauté délibérément constituée
  • Rassemblée autour de valeurs et d’idéaux communs
  • Capacité productive réelle 
  • Indépendance vis à vis de structures plus importantes
  • Capacité de transformation sociale importante

1) Le Monastère

Et oui, parmi les expériences du passé dont le coworking peut s’inspirer, le monastère tient une belle place. Au moyen-âge, et jusqu’à nos jours, les monastères n’ont jamais été simplement des lieux de prière ou de recueillement. Ils sont aussi des lieux de travail, de réflexion, de partage et de création artistique. A certaines époques, leur poids dans l’économie et dans la société était colossal… Ils ont traversé les siècles en modelant, et parfois en transformant les sociétés au sein desquelles ils sont apparues.

Ils ont rassemblé des hommes autour d’un contrat social spécifique, sur la base de l’adhésion volontaire. Des gens souvent érudits et éclairés, animés par des valeurs fortes et capables de mettre en oeuvre ce qui leur fallait pour vivre conformément à ces valeurs.

Alors voyons voir comment ils s’y sont pris.

Parler des monastères de manière générale serait une tâche trop énorme, car leur histoire s’étend sur plus de quinze siècles et sur presque tous les continents. Je vais donc me focaliser plus spécifiquement sur un moment de l’histoire monastique qui me parait être un concentré significatif : la réforme de Cluny.

Contexte et naissance de la Réforme de Cluny

Au VIIIème siècle, l’ensemble du monde chrétien traverse une crise majeure; fin des premières vagues d’évangélisation, disparition de l’empire Franc qui s’était présenté comme le défenseur de l’héritage chrétien de Rome, division du monde chrétien entre l’Est Byzantin et l’ouest Romain, invasions Arabes et Normandes … Autant vous dire qu’il existe à l’époque, un doute réel sur la capacité de l’église à survivre jusqu’à l’an mil…

Et il ne s’agit là que des difficultés externes. Sur le plan intérieur, les choses ne sont pas plus reluisantes. Les logiques féodales gangrènent ce qui est censé rester à l’abri des vanités temporelles, les évêchés deviennent des biens de famille, ou un rouage du pouvoir, les sacrements s’achètent et se vendent (simonie), les prêtres, qui alors pouvaient se marier, transmettent leur « poste » de père en fils. Quant aux monastères, il est évident que l’exigeante règle de Saint Benoit ne fait plus beaucoup d’émule… Les valeurs pèsent de moins en moins face aux intérêts privés. Les moines sont devenus des vassaux des seigneurs qu’ils doivent accompagner dans leurs campagnes militaires et accueillir avec leur suite, lors de séjours prolongés, paillards et ripailleurs…

C’est dans ce contexte chaotique qu’en 909 en Bourgogne est fondée l’Abbaye de Cluny. La réforme part de deux hommes; un laïc, le duc Guillaume Ier et un religieux, l’Abbé Bernon. Guillaume, très pieux, considère que « La richesse d’un homme est la rançon de son âme. » Il est désireux de pourvoir à son salut en donnant à quelques moines une partie de ses terres et souhaite que la future abbaye soit véritablement un lieu ou l’on y recherche Dieu et qu’il puisse par conséquent être détaché des dépendances féodales. Il s’y prend de manière très fine en se plaçant sous la protection du pape (ce qui à l’époque vous garantissait une vraie indépendance vis à vis des pouvoirs locaux n’osant pas s’en prendre au pouvoir de Rome) mais le pape ne peut lui-même pas véritablement intervenir dans les affaires de l’Abbaye comme le précise ce texte fabuleux de Guillaume Ier :

« Nous avons voulu insérer dans cet acte une clause en vertu de laquelle les moines ici réunis ne seront soumis au joug d’aucune puissance terrestre, pas même la nôtre, ni à celle de nos parents, ni à celle de la majesté royale. Nul prince séculier, aucun comte, aucun évêque, pas même le pontife du siège romain ne pourra s’emparer des biens desdits serviteurs de Dieu, ni en soustraire une partie, ni les diminuer, ni les échanger, ni les donner en bénéfice » 

texte guillaume d'Aquitaine

Ce passage du texte de la fondation de l’abbaye de Cluny est un chef d’oeuvre d’intelligence politique et révèle déjà plusieurs aspects qui firent l’originalité et le succès de l’ordre clunisien, son indépendance, son intégrité et sa compréhension du monde. Le succès de Cluny fut immédiat et l’ordre a très vite su faire des petits. Les monastères environnants se rattachèrent rapidement à Cluny, les dons affluèrent et furent très intelligemment investis. L’autorité morale des moines de Cluny et leur fécondité intellectuelle trouvèrent une audience large parmi les populations fatiguées de la corruption du message de l’église.

Les successeurs de Bernon sont choisis pour leur compétence, leur mérite et leur valeur, non pas sur leurs quartiers de noblesse ou leur appétit de pouvoir. Ils se sont avérés excellents et complémentaires. Bons gestionnaires, fins diplomates, hommes d’arts et de lettres, ils contribuent à l’essor moral et matériel de leurs communautés. Odon succède à Bernon en 927, c’est un musicien talentueux qui améliore la beauté des chants et des liturgies. Avec « la Vie de saint Géraud d’Aurillac« , il propose le premier modèle du chevalier chrétien, celui d’un puissant seigneur qui met sa force et ses richesses au service de la justice et de la paix. Il veille à pourvoir l’abbaye d’une bonne bibliothèque, d’une école et obtient le droit de battre monnaie. Mayeul intervient jusque dans des querelles privées de la famille impériale, ce qui lui valut de se voir proposer le siège pontifical après la mort de Benoît VI ou Benoît VII, siège qu’il refusa, se jugeant plus utile au milieu de ses moines. La liste est longue et passionante…

L’esprit de la Réforme

Indépendance :

Le coup de génie de Guillaume Ier qui signe la naissance de Cluny place l’abbaye sous la protection du pape mais non sous sa dépendance. Cluny dispose d’une marge de manoeuvre totalement inédite pour l’époque et l’ordre saura en profiter joyeusement (prenant même de plus en plus de liberté au fil du temps, jusqu’à battre leur propre monnaie!). Bermon réhabilite la règle de Saint Benoit, qui précise que les monastères doivent pouvoir être autonomes financièrement et doivent pouvoir s’autogérer. « Le monastère doit, autant que possible, être disposé de telle sorte que l’on y trouve tout le nécessaire : de l’eau, un moulin, un jardin et des ateliers pour qu’on puisse pratiquer les divers métiers à l’intérieur de la clôture. »

Le travail des moines est la première condition de l’indépendance du monastère et est considéré par Saint Benoit comme indissociable de l’épanouissement des âmes :

« L’oisiveté est ennemie de l’âme. Les frères doivent donc consacrer certaines heures au travail des mains et d’autres à la lecture des choses divines. Ils sont vraiment moines lorsqu’ils vivent du travail de leurs mains comme nos pères et les apôtres. « 

L’indépendance de Cluny existe donc sur tous les plans; politique, grâce au statut exceptionnel que l’ordre a su s’aménager. Economique grâce au travail des moines, et aux moyens importants dont ils disposent. Spirituelle grâce à leur autorité morale et leur ouverture d’esprit. A bien des égards, Cluny ouvre une brèche majeure dans le système féodal de l’époque reposant sur un enchevêtrement d’allégeances et d’intérêts croisés.

Intégrité

La mission que se donnent les moines de Cluny est l’élévation des âmes à travers la recherche de Dieu. Et ils s’y attachèrent avec une ardeur et une constance réelle sous la conduite d’abbés s’appliquant à être exemplaires dans leur tâche.

Qu’elle nous paraisse un brin archaïque aujourd’hui, la règle bénédictine fut parfaitement remise en honneur. L’observance des anciens voeux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance fut rigoureusement exigée des moines dont la vie était réglée selon un horaire quotidien. Pour autant, les moines Clunisiens n’érigent pas un mur entre le monde spirituel et le monde matériel. Ils ne vivent pas un ascétisme dur et intransigeant. La musique, la poesie, l’architecture, le travail de la terre comme la prière sont autant de moyens d’accéder à Dieu. 

Ouverture

La spiritualité de Cluny ne s’inscrit pas dans une opposition entre l’esprit et la matière, entre Dieu et le monde mais considère le monde comme un terrain de recherche pour l’esprit.

La musique, l’art, l’architecture, le travail, la charité, la politique sont autant de moyens possibles et complémentaires d’élever son âme et d’approcher Dieu pourvu qu’ils ne détournent pas les moines de leur recherche spirituelle. C’est pourquoi les abbayes clunisiennes sont des lieux ouverts et en interaction permanente avec la société; les paysans et artisans qui travaillent avec l’abbaye, les moines venus de toute l’Europe, les seigneurs qui demandent conseil ou audience, les nécessiteux à qui l’ordre distribue nourriture, vêtements et chaussures etc… Elles sont également des lieux ouverts à des influences exterieures, musicales, architecturales et même aux influences d’autres religions. Pierre le Vénérable, qui fut père Abbé à Cluny fait traduire le Coran et invite ses moines à le lire…

Le cocktail d’indépendance réelle, d’intégrité et d’ouverture est généralement très gagnant, et d’une grande fécondité; l’indépendance donne les moyens d’agir, l’intégrité indique le cap à tenir et l’ouverture permet d’ajuster les voiles selon les possibilités…

abbaye de cluny

Héritage

À la fin du XIe siècle, Cluny exerce son autorité sur 1450 maisons, dont 815 en France, 109 en Allemagne, 23 en Espagne, 52 en Italie, 43 en Grande-Bretagne. Difficile de raisonner en PIB à cette époque mais il est évident que l’ordre de Cluny pesait très lourd dans l’économie européenne médiévale… Sans compter les savoirs-faire uniques et les technologies qu’ont apporté les moines au fil du temps ni l’activité d’archivage, de conservation et de diffusions de textes antiques par les moines dont l’appropriation par les humanistes quelques siècles plus tard a permis à l’Europe de s’extraire de l’époque féodale.

Parmi les héritages culturels majeurs de Cluny, on peut citer leur apport à l’embellissement des messes et des liturgies par des chants plus riches et des cérémonies plus soignées, une contribution importante à l’architecture par un travail colossal de construction et de rénovation.

Cluny invente également la pensée chevaleresque et mène un vrai travail visant à « dégrossir » une aristocratie aux moeurs guerriers et paillards. Elle donne ainsi aux autorités féodales un sentiment de devoir envers le reste de la société.

Autre apport intéressant dont Cluny n’est pas l’inventeur mais incontestablement un promoteur est une nouvelle conception du travail hérité de Saint Benoit. Jusqu’alors, le travail est avant tout considéré comme une activité avilissante, indigne des penseurs, des religieux ou des dirigeants (c’est l’héritage de la conception antique du travail). Mais Cluny, en mettant en avant la pensée de Saint Benoit, parvient à modifier ce paradigme, à faire du travail manuel une activité indispensable pour « nourrir » son esprit. C’est le fameux « Ora et Labora » bénédictin.

Ironiquement, le modèle Clunisien finira par s’effriter sous ses propres pesanteurs. Devenu tellement énorme et tellement intégré dans le monde, il suscitera de nouvelles réformes (la réforme Cistercienne principalement) et finira par se fondre dans les idées de son temps. Il meurt donc de sa belle mort étant parvenu à généraliser ses idées en suscitant de nouveaux élans spirituels.

Et le coworking dans tout ça ?

Pourquoi prendre autant de temps à discuter d’une réforme monastique datant de plus d’un millénaire ? Tout simplement parque j‘y vois plusieurs enseignements majeurs pour les acteurs du coworking :

  • D’abord, il est amusant de souligner le parallèle entre les conditions de naissance de Cluny et celle du coworking. Les parallèles historiques sont toujours un peu casse-gueule mais, que l’on observe le fonctionnement du clergé en l’an 900 ou celui des grandes entreprises actuelles, on voit dans les deux cas un modèle essoufflé, manquant de marge de manoeuvre, de lucidité et d’adéquation avec les aspirations de son époque. 
  • Cluny ou le coworking sont proches dans leur méthodes et dans les moyens employés pour créer une alternative; ne pas chercher l’effet de « masse critique », ou les alliances prématurée avec des institutions trop importantes. Ne pas non plus s’opposer brutalement au modèle dominant mais simplement suivre sa propre voie sereinement avec ardeur et intégrité. Ne pas vouloir vendre un modèle avant de l’avoir testé et éprouvé mais être capable de démontrer par l’exemple le succès de ce que l’on a créé et de communiquer l’envie de changer de modèle.
  • Cluny montre que le combo Indépendance, Intégrité, Ouverture est un trio fécond, capable de faire bouger les lignes. C’est aussi je pense, une ligne que nous devons tenir en temps que mouvement émergent. Cluny montre que ça vaut le coup de travailler dur pour se garantir une indépendance financière, politique et intellectuelle. De rester droit dans ses valeurs sans ceder aux compromissions et de rester ouverts et d’échanger en permanence avec tous les acteurs de la société sans être ni doctrinaire, ni moralisateur.
  • Enfin, j’y vois un vrai encouragement pour le mouvement du coworking, car Cluny montre qu’en commençant petit, mais dans de bonnes conditions, on peut rapidement parvenir à diffuser largement dans la société et transmettre le meilleur de ce que l’on a à transmettre. 

On se retrouve au prochain épisode pour continuer à explorer d’autres types d’espaces de travail ayant changé l’histoire …

 

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Mutinerie fait le point http://www.mutinerie.org/mutinerie-fait-le-point/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=mutinerie-fait-le-point http://www.mutinerie.org/mutinerie-fait-le-point/#comments Mon, 14 Jan 2013 23:16:37 +0000 Eric http://www.mutinerie.org/?p=22714 2012 dans notre sillage, nous voilà sur les eaux nouvelles de 2013. Mais où va Mutinerie ? Quelqu'un est-il seulement au courant ? Rejoignez nous au bien nommé Baroc' dimanche 20 à 16h pour en savoir plus.

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2012 dans notre sillage, nous voilà sur les eaux nouvelles de 2013. Mais où va Mutinerie ? Quelqu’un est-il seulement au courant ?

Pour en savoir plus, nous vous convions dimanche 20 janvier à 16h au bien nommé Baroc’ pour un goûter glissant.

L’occasion de faire un bilan de l’année écoulée et de vous présenter les nouveaux projets de Mutinerie.
+ Présentation en avant première du nouveau site internet
+ Mystérieux film scandinave sur Mutinerie
+ Viennoiseries, Concerts & Cabrioles

N’hésitez pas à venir (bien) accompagné(e)s.

MUTINERIE, IVRES ENSEMBLE

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