Mutin de la première heure et voyageur au long cours, Gwenaël Prié est consultant dans le domaine de l’aide au développement, expert des problématiques de l’eau et fin connaisseur de l’Afrique. Auteur des Voyageurs de l’eau, livre de voyage qui traite des problématiques de l’eau dans le monde, il est aussi l’un des membres fondateurs de Startup Africa , une communauté d’entrepreneurs africains née de la rencontre de coworkers de Mutinerie. De retour d’une mission d’un an en République démocratique du Congo, il nous fait part de ses aventures et ses inspirations :

Qu’es-tu parti faire au Congo-Kinshasa ?
Cartographier et étudier les réseaux d’eau potable du pays ! Enfin ceux qui desservent les villages et les banlieues des grandes villes. Car dans cet immense pays, ce sont souvent les ONG, les églises, parfois même les particuliers qui ont pris l’initiative de créer de petits réseaux d’eau pour desservir leurs communautés. Mais personne n’avait la liste de ces réseaux, ni leur localisation, ou ne savait combien de robinets ils avaient, s’ils faisaient payer l’eau etc. Dans ces conditions, il était difficile pour l’Etat et ses partenaires de faire leur travail.
Nous avons donc recruté et formé 40 enquêteurs, leur avons donné un smartphone, et ils sont allés visiter près de 450 réseaux. Grâce à leur téléphone, ils ont interrogé les responsables, pris des photos et points GPS près de 10 000 équipements.
En fin de projet, nous fournissons donc des données détaillées à disposition de tous ceux qui veulent s’engager en RDC pour l’accès à l’eau, mais aussi des recommandations pour la gestion, le suivi et le financement des réseaux d’eau.
Comment les technologies numériques modifient-elle les sociétés dans des pays qui n’ont pas de passé industriel aussi lourd qu’ici ni d’infrastructures aussi développées ?
Les infrastructures de réseaux de téléphonie mobile ont ceci d’avantageux qu’elles sont très faciles à déployer. Une tour, un petit local, un groupe électrogène, un gardien tous les 10 kilomètres et c’est réglé. Pour cette raison, et d’autres (demande énorme, technologies matures, libéralisation, modèle de vente en prépayé etc.), l’accès au téléphone mobile a explosé, même dans les pays les plus pauvres.
Au niveau économique, la Banque mondiale a estimé que chaque augmentation de 10% de taux de pénétration apportait 0,8% de PIB en plus. Des milliers d’emplois formels ou non ont été créés. Les opérateurs télécoms sont devenus les plus gros annonceurs.
Au niveau des usages, on joue, on drague, on négocie grâce à son téléphone portable. Plus intéressant (pour moi), il est possible d’utiliser les SMS, des serveurs vocaux ou même des applications smartphones pour améliorer les services d’eau, d’agriculture ou de santé ! Bref, mettre le portable au service du progrès humain.
Au niveau du coworking, as-tu fréquenté des espaces en Afrique ? Et penses-tu que le développement de ce genre de tiers-lieu est promis au même avenir qu’ailleurs ?
J’ai visité le Jokkolabs de Ouagadougou, et mi-novembre j’irai voir celui de Bamako. Je crois que ces tiers-lieu (coworking, incubateurs, fablabs etc.) sont une superbe opportunité pour les pays africains. Ils permettent, là-bas peut-être davantage encore qu’au nord, d’offrir un espace de liberté et de parole aux innovateurs. Savez-vous que l’incubateur CTIC de Dakar a déjà accompagné 50 start-ups ? Savez-vous que le hashtag de la révolution burkinabé, #lwili (oiseau en langue Mooré) est né en mai 2013 dans le Jokkolab de Ouagadougou ?
Ces lieux sont des fabriques de la future vie économique, sociale et politique des pays. Mais il sont encore fragiles, il faut les soutenir.
Un bel exemple de tiers lieux en éclosion : le Ouagalab
http://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/un-lieu-pour-le-ouaga-lab/wall