
Entre 2017 et 2022, il y a eu une hausse de 5 points en ce qui concerne la mobilité interne. Pourquoi un tel rebondissement ? Quels sont les avantages de la mobilité interne pour les employés et l’organisation ?
La mobilité interne ne se limite pas à un simple changement de poste. C’est une expérience au sein même de la compagnie qui peut métamorphoser le parcours professionnel d’un employé. Bien que l’idée puisse paraître séduisante, beaucoup de personnes hésitent à s’engager, souvent en raison d’une méconnaissance des avantages concrets.
Cet article examine comment les entreprises gèrent ce processus afin d’optimiser les bénéfices pour leurs employés et pour l’entité organisationnelle. Explorons ensemble les raisons pour lesquelles la mobilité interne est devenue un levier stratégique crucial dans la gestion des talents.
Que signifie la mobilité interne ?
Interprétation de la mobilité interne
Il s’agit pour un employé de toute modification de poste ou progression de rôle au sein de sa société ou d’un groupe. Les aspirations à l’évolution sont fréquemment exprimées lors des évaluations annuelles. Dans cette optique, le département des ressources humaines intègre un segment « développement » dans les bilans annuels de performance. Une gestion efficace des évaluations met également l’accent sur la trajectoire professionnelle des employés.
La mobilité interne signifie un changement de contexte. Cependant, cette transition n’est pas une rupture totale, car l’employé est déjà familiarisé avec les normes et procédures de la société. Par conséquent, la mobilité interne peut être considérée comme un ré-onboarding, c’est-à-dire une nouvelle intégration avec de nouveaux collègues, individus, bureaux, objectifs et possiblement une plus grande confrontation culturelle, surtout dans le contexte d’une mobilité à l’échelle internationale.
C’est une expérience de vie qui mérite d’être vécue et partagée en interne grâce à :
- Des retours d’expérience lors de manifestations ou d’entretiens en face à face (occasions d’écoute et de partage pour les employés) ;
- la mise en place d’un forum interne consacré à ce thème ;
- des témoignages filmés ;
- l’élaboration d’une charte concernant la mobilité professionnelle ;
- une publication dans le bulletin d’information de l’entreprise.
Légalement, cette procédure nécessite une révision du contrat de travail et doit donc être convenue d’un accord mutuel entre l’employé et son superviseur.
Bien que l’entreprise soit tenue de rendre ses postes vacants internes visibles et accessibles (via des communications internes, une bourse d’emplois, un intranet, etc.), la décision de postuler ou non appartient au salarié. Effectivement, comme pour toute procédure de recrutement externe, le postulant se doit de présenter un dossier de candidature persuasif. Cependant, cela ne veut pas dire que l’employé doit être laissé à sa propre initiative. Il devrait recevoir un soutien à la fois de l’équipe des ressources humaines et de son supérieur hiérarchique.
Toutefois, l’idée de mobilité professionnelle reste hélas souvent entourée d’un tabou majeur dans diverses structures : la réticence des gestionnaires à laisser partir un membre de leur équipe. C’est à vous, experts en ressources humaines, d’informer vos managers sur l’importance de la progression des employés et d’une gestion efficace des talents (GEPP), même si cela signifie pour un collaborateur de devoir changer de lieu de travail ou d’équipe.
Il est également important de dédramatiser le départ : ce n’est ni une trahison (comme certains le pensent encore lors d’un offboarding), ni une décision inéluctable (le salarié peut très bien revenir).
Les diverses formes de mobilité interne.
On peut identifier trois :
1°) Le déplacement géographique
Il s’agit du modèle historique. L’employé est transféré pour travailler dans une autre région géographique au sein d’une filiale du groupe ou de l’entreprise.
Il est courant de croire à tort que ces opportunités sont réservées aux grandes multinationales, mais ce n’est pas le cas. Bien que le package doré pour les expatriés (assistance à l’établissement du collaborateur et de sa famille, reconversion professionnelle du conjoint, prise en charge des frais de voyage…) ait déjà été en déclin au cours des dernières années, la crise a particulièrement ralenti ce genre de procédures.
Grâce aux multiples confinements et au désir croissant des citadins de se rapprocher de la nature, la mobilité à l’échelle nationale a gagné en importance. Des sociétés de toutes envergures n’ont pas hésité à relocaliser leurs bureaux ou à adopter des succursales, pour répondre aux désirs de convivialité et de travail collaboratif de leurs employés qui sont éloignés des principaux pôles urbains.
JLL fait référence au modèle de bureau post-Covid en tant que Hub & Club. D’une part, le Club, qui occupe une place centrale, sert de quartier général à l’entreprise et de vitrine pour sa marque employeur. C’est là que se tiennent les grandes réunions internes et où s’opère la co-construction avec les clients. D’un autre côté, les Hubs fournissent un environnement professionnel et favorable à la socialisation, tout en donnant aux employés la possibilité de rester à proximité de leur domicile.
2°) La mobilité verticale (aussi appelée fonctionnelle)
C’est le fer de lance de l’ère du management descendant et elle connaît à présent un déclin. Plus spécifiquement, elle implique une promotion vers un poste avec des responsabilités accrues, généralement accompagnée d’une augmentation de salaire.
3°)La mobilité horizontale (aussi appelée transversale)
C’est assurément la plus prisée par un profil très particulier : l’employé qui vient de débuter sa carrière professionnelle. Effectivement, dans le cadre de l’« Économie de la Passion », les nouvelles générations privilégient l’élargissement de leur champ d’action et une diversité accrue de projets plutôt que des responsabilités supplémentaires pour éviter l’ennui et la monotonie. Ce mode de travail flexible permet de mieux maintenir l’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle. De plus, un manager sur cinq ne désire pas ou ne veut plus exercer ce rôle. Selon une recherche effectuée par OpinionWay pour Indeed en 2021, cette propension est plus prononcée chez les femmes (25%) que chez les hommes (20%), et particulièrement au sein de la tranche d’âge des 35-49 ans (27%).
La mobilité interne pour conserver ses talents
Quels sont les avantages de la mobilité interne ? Selon l’étude Tendances mondiales du recrutement de Linkedin (2020), la mobilité interne a d’abord un impact considérable sur le taux de rotation : les salariés demeurent 41% plus longtemps dans les sociétés qui favorisent le recrutement interne, comparativement à celles qui le font moins.
L’engagement et la rétention des employés, une préoccupation centrale pour les directeurs des ressources humaines et la direction, ont vu leur importance croître à la suite du phénomène récent de « la Grande Démission ». Surnommée The Great Resignation aux États-Unis, cette tendance à la démission soudaine des employés commence à faire des vagues en Europe. Selon le Harvard Business Review, en juillet 2021, environ 4 millions de travailleurs aux États-Unis ont décidé de démissionner de leur poste, parfois sans avoir une nouvelle opportunité en vue. Ce turnover volontaire sans précédent, reflet d’un profond mécontentement face aux dérives managériales et organisationnelles, a particulièrement résonné auprès des employés à mi-parcours de carrière (30-45 ans), qui ont montré le plus haut taux de démissions (20%) entre 2020 et 2021. Autre observation pertinente : HBR note aussi que le taux de démission a connu une forte hausse dans les domaines ayant en commun une demande extraordinairement accrue, tels que la santé et la technologie, créant ainsi une surcharge de travail conséquente et des cas d’épuisement professionnel.
Cependant, d’après une recherche de Mckinsey, le phénomène ne semble pas sur le point de s’interrompre, puisque 40% des employés américains seraient disposés à démissionner de leur société dans un délai de 3 à 6 mois. Des proportions comparables sont constatées à Singapour, au Royaume-Uni, au Canada et également en Australie. Une étude réalisée en mars 2021 par TBWA\Corporate et Viavoice révèle que 47% des employés en France envisagent de changer d’entreprise, ce qui pourrait laisser présager une éventuelle crise de turn-over.
Selon McKinsey, le principal facteur réside dans l’importance excessive, voire exclusive, que certaines entreprises attribuent à la rémunération et aux bénéfices en nature. Une attitude qui projette sur le collaborateur une image défavorable d’une relation strictement transactionnelle.
L’étude Mckinsey (2021) met en évidence les trois principales raisons pour lesquelles les employés quittent leurs postes, et il serait incorrect de ne pas en tenir compte :
- Se sentir sous-estimé par la compagnie (54%)
- Ne pas se sentir apprécié par leur supérieur hiérarchique (52%)
- Ne pas ressentir un sentiment d’appartenance (51%)
Le tragique de cette circonstance est que de nombreuses entreprises restent dans l’ignorance des motifs qui conduisent au départ d’un employé. Cependant, sans des données de confiance (People Analytics), il n’est pas possible d’optimiser leur expérience employé.
Parmi les autres motifs fréquemment cités de ce côté de l’Atlantique, le manque de formation et l’absence d’opportunités d’avancement demeurent en haut de la liste. Selon une enquête Linkedin de 2019, si l’entreprise valorisait davantage la formation personnelle, jusqu’à 94% des employés seraient enclins à rester plus longtemps.
C’est pourquoi il est crucial d’adopter une stratégie RH axée sur l’évolution des employés, que cela inclut la formation ou des méthodes de coaching interne.
La mobilité interne : un défi commercial et stratégique pour les sociétés.
Pour une entreprise, la mobilité interne présente de multiples bénéfices. Elle lui donne la possibilité de :
Réussir à atteindre ses objectifs de performance et d’expansion en restructurant ses effectifs suivant la demande et la rareté de la main-d’œuvre.
Transmettre un message fort (en interne comme en externe) concernant l’importance accordée à l’évolution des compétences de ses collaborateurs.
Produire des économies de coût significatives. Effectivement, selon les coûts considérés, le recrutement interne peut coûter entre 20% et 50% de moins par rapport à un recrutement externe. Cela s’explique par une accélération du recrutement, une réduction de la durée de l’embauche, une diminution des coûts salariaux et une baisse de la probabilité d’erreur.
Répondre aux aspirations de bien-être et de développement des employés. La mobilité interne englobe également la possibilité de se rapprocher d’un milieu de vie plus familial et/ou plus sain, tout comme l’ouverture à de nouvelles zones géographiques, de nouveaux thèmes ou de nouvelles cultures.
Une stratégie efficace de mobilité interne sert de moyen à la formation continue et donne aux employés la possibilité d’acquérir de nouvelles compétences dans des environnements novateurs.
Le recours à la mobilité interne pour combattre l’obsolescence des compétences.
La mobilité interne représente également l’option la plus rentable et efficace pour combattre l’obsolescence des compétences et sa conséquence, la rareté des talents. Effectivement, le pourcentage d’entreprises confrontées à des difficultés de recrutement connaît une forte hausse.
D’après une étude de la Banque de France, en juillet 2021, 48% des entreprises faisaient face à des problèmes de recrutement, comparativement à 37% en mai précédent. Actuellement, la durabilité d’une compétence varie entre 13 et 18 mois, voire moins de trois mois dans le domaine numérique. D’après une étude récente menée par le groupe Cegos auprès des Ressources Humaines en France, 47% des postes existants présentent un danger de désuétude des compétences dans les trois prochaines années. Certaines professions sont effectivement destinées à être automatisées, à élargir leur champ d’action ou tout bonnement à disparaître.
Embaucher en interne est l’un des moyens les plus fiables pour mettre en place une véritable politique de développement des compétences (amélioration de la compétence dans un même domaine) et de reconversion professionnelle (transition vers un nouveau domaine) des employés. Le postulant pour la mobilité interne tirera profit de son expérience et aura acquis de nouvelles aptitudes dans son nouveau rôle.
Un avantage appréciable est que les forces impliquées sont connues (vos propres compétences) et elles ne sont pas étrangères à vos valeurs ou à vos procédés. Cela permet d’accélérer le processus d’intégration.
Il est évident que, plutôt que de chercher des talents à l’extérieur, il vaut mieux se concentrer sur le recrutement interne : vos propres employés sont déjà une source de compétences. Il est impératif d’obtenir une collaboration totale avec les responsables et la direction pour garantir un succès total. Il vous incombe, experts en ressources humaines, de briser le tabou lié au départ d’équipe en éveillant la conscience du manager sur l’évolution de ses collaborateurs. C’est à vous qu’il revient toujours d’encourager les employés à opter pour un changement de poste en interne, mais également de les guider dans leur décision. Effectivement, la crise a restitué à la mobilité interne son caractère universel : il n’est plus indispensable d’être un Excellent Performeur pour en tirer profit.