On le sent, on le voit ; le coworking commence à sortir de l’ombre pour devenir une solution viable et clairement identifiée auprès des entrepreneurs et des freelances des pays occidentaux. L’histoire du coworking est déjà riche et le mouvement commence à sortir de la marge d’où il est apparu.
La preuve du concept a été faite. Ceux qui ont essayé le coworking ont compris l’immense valeur qui y réside et ceux qui observaient la tendance, en embuscade, sont prêts à se lancer dans l’aventure.
Mais dans le même temps, les espaces existants cherchent encore à valider un modèle économique. Les espaces les mieux établis se demandent quant à eux quelle sera la prochaine étape. Ouvrir d’autres espaces en leur nom ou via un réseau de franchises ? Partir en quête d’un local plus grand ? Développer des services pour la communauté ? Comment et où trouver l’argent qui financera la croissance ?
Aucune réponse n’est évidente mais puisque Mutinerie a le nez dans toutes ces questions, j’ai pensé faire part ici de nos réflexions. La principale difficulté à mon sens, c’est de savoir dans quelle mesure le coworking, centrée sur la communauté et non sur le lieu, peut-il être réplicable. Chaque communauté possède son alchimie propre ; résultat du mélange unique des individus qui peuplent l’espace. Cette alchimie devient rapidement l’identité du lieu, puis de la marque toute entière. Chaque espace est ainsi unique et donc difficilement réplicable ou du moins, elle ne se réplique pas comme une chaine de fast food.
Pour savoir où aller, il n’existe que peu de précédents. Ceux que Mutinerie est allé dégotter se situent le plus souvent à d’autres époques et dans d’autres contextes. Que l’on parle des monastères, des Kibboutzim, des ateliers d’artistes ou des coopératives ouvrières du XIXème siècle, on reste dans des contextes différents de notre étrange XXIième siècle. Malgré l’inspiration précieuse que l’on a pu puiser chez nos aïeux, il faudra essentiellement miser sur notre discernement et la confiance que nous avons dans les changements majeurs à l’œuvre dans notre époque.
Pour y voir plus clair, voici quelques hypothèses de l’évolution du coworking pour les prochaines années.
Evidemment, celles-ci sont volontairement extrêmes et la réalité ressemblera plus à une hybridation des genres qu’à une orientation de tout le mouvement vers un seul modèle. Cela dit, l’exercice a le mérite de souligner les forces structurantes qui travaillent le mouvement du coworking en France et dans le monde.
1. La Stratégie Starbucks
Dans cette configuration, le marché du coworking a fait ses preuves. Les acteurs plus traditionnels types Google, Bouygues, Cisco, Orange, s’y intéressent. Ils se lancent dans le bain et ouvrent un grand nombre d’espaces plus froids mais fonctionnels à proximité d’espaces existants et cassent les prix. Les espaces historiques ne peuvent s’aligner et les acteurs majeurs qui peuvent assumer ce déficit de trésorerie sur trois ans finissent par l’emporter.
2.La fusion entre les entreprises et le coworking
Les entreprises traditionnelles luttent. Elles n’innovent pas assez vite, les marges s’affaiblissent, les talents partent. Elles se retrouvent avec des biens immobiliers en surplus. Elles savent que les logiques coworking sont porteuses d’innovation. Elles décident donc d’allouer une partie de leurs locaux à des indépendants de passage de manière gratuite. Le coworking devient une extension logique d’une entreprise et permet de fédérer une communauté autour de l’entreprise et de puiser dans un vivier de jeunes talents passionnés.
3. L’émergence d’un acteur principal
Un acteur du coworking émerge comme la référence et adopte une stratégie de développement extensive réussie. Il multiplie les lieux et parvient à allier communauté et efficacité en créant des synergies opérationnelles. Le nombre d’espace se multiplie, mais le nombre d’acteurs baisse. Ce scénario correspond à une structuration relativement classique d’un marché.
4. Le coworking public
Les Etats et les collectivités territoriales comprennent et veulent accompagner les mutations du travail, favoriser l’innovation et l’entrepreneuriat. Ils se mettent à développer des espaces aux prix très compétitifs car subventionnés directement ou via des associations. Plus de gens peuvent accéder au coworking mais le mouvement perd de son indépendance, de sa créativité et de son authenticité. Les initiatives privées deviennent moins compétitives.
5. La constitution d’une fédération d’espaces indépendants
Dans ce scénario, les différentes initiatives indépendantes existantes réussissent à s’organiser en une sorte de fédération et parviennent à créer des synergies entre elles, monter en compétence et fluidifier l’expérience des coworkers pouvant voyager d’un espace à l’autre. Le coworking s’organise donc de manière décentralisée, en réseau, autour d’espaces influents et de communautés autonomes mais en interaction.
Notre orientation
Parmi ces différents scénarios, Mutinerie penche clairement pour la dernière option.
Nous souhaitons que le coworking s’organise en une constellation d’espaces indépendants mais fortement connectés.
Après tout, en tant que créateurs d’espaces de coworking, nous voulons que les coworkers soient libres et indépendants mais qu’ils puissent s’ils le souhaitent, travailler, s’organiser et agir ensemble. Le prolongement naturel de cette pensée, c’est qu’à l’échelle des espaces, eux aussi restent libres, indépendants mais puissent également s’organiser ensemble.
C’est la ligne qui nous paraît la plus proche des valeurs du coworking, la plus originale et la plus excitante.
Nous avons l’occasion de montrer que le coworking, né de la base peut réussir à se structurer par la base. Qu’il est capable de déployer à grande échelle le modèle d’organisation que nous avons mis en place au sein de nos espaces. Nous avons l’occasion de voir ce que peut vraiment donner la coopération à grande échelle d’un ensemble de personnes libres et indépendantes. La période qui vient sera cruciale !
J’aime bien le lapsus : cowokring
bel article !
Excellent article avec des scenarios plausibles. Nous aussi on espere bien que le cinquieme prévaudra, ou en tout cas co-existera avec d’autres modeles.
Condensé très intéressant de la situation, des initiatives et de votre vision, très intéressant merci
Belle réflexion ! À la manière des Smart Grids en ce qui concerne l’énergie, il est en effet à souhaiter qu’un maillage des espaces se tisse, car la centralisation privée ou publique, même si elle peut être salutaire pour le lancement ou la sauvegarde de tels projets à très court terme, ne peut qu’appauvrir et formater sur la durée, et dans un sens tuer l’esprit du coworking.
bravo pour cet article éclairé !
C’est sûr il faut se tourner vers les constellations.
super cet article !
A fond pour la 5ème voie !
Alors que fait-on?